n peu étrange, la balade d’hier. Beau soleil pourtant, pas de vent, personne sur les sentiers mais la douceur de la température n’était pas assortie au paysage. Un hiver chaud, y’a un truc qui n’allait pas. Avec cette douceur là, j’attendais, je sais pas moi, des bourgeons qui pètent, des primevère qui éclatent, des éclosions partout. C’est trop tôt. Je me suis donc promené deux heures dans un printemps que la température annonçait, mais qui n’était pas là. Les photos ne laissent aucun doute là dessus : le ciel est bleu, oui, mais au sol, on est encore ici dans le roux, le brun, le noir, le brumeux, l’estompé, l’attente frileuse, prudente, des beaux jours.
Oui, je sais, je m’y attends, c’est fatal, Jo va me dire que chez elle, tout est déjà en fleur, Christian va renchérir avec ses photos d’amandiers qui le sont également et Elsa va m’énerver avec ses températures estivale et ses bords de mer. Le printemps est déjà chez eux, non loin, il ne va pas tarder à remonter jusqu’ici. Je l’attends.
ui, bon, je le confesse humblement, mon projet était de grouper dans la même note Grégoire Lacroix, Éric Chevillard et AppAs. J’ai même envisagé un moment de rassembler ces trois auteurs écrivant court sous le titre « En bref » mais d’enchaîner sur un article te demandant une demie heure de lecture et trois ou quatre défilements d’écran. Puis je me suis dégonflé.
Le carnet d’Éric Chevillard présente d’emblée plusieurs caractéristiques singulières. La première, c’est le règne sans partage du texte. Aucun risque d’arriver chez lui à la suite d’une recherche avec Google images : y’en a pas. La deuxième, c’est ce découpage systématique de chaque note en trois parties, autonomes ou non. S’agit-il de respecter un nombre de caractères imposé ? D’une coquetterie ? D’une habitude ancrée à force de partager des tartes aux pommes ? D’une mystique du triangle ? D’un hommage subliminal au tiers livre de François Bon ? On ne sait. Mais la caractéristique massive des textes d’Éric Chevillard, comme tu vas pouvoir le constater, c’est leur efficacité, à laquelle leur taille S vient plutôt en renfort.
J’ai pioché les extraits qui suivent au petit bonheur - c’est bien le mot qui convient - selon les sujets abordés, certains faisant écho à des notes de cet ici-carnet, mais le plus souvent à la suite de cet éblouissement ressenti quand les mots lus opèrent cette magie d’être à la fois le contenant et le contenu d’une vérité poétique, cruelle, drôle, tendre, familiale ou intime et souvent chez Éric Chevillard, tout ça à la fois. En quelques lignes touchant toujours juste. Chapeau !
Tu auras compris, j’espère, que chaque numéro d’ordre renvoit sur « L’autofictif » à la note originale.
(...)
Le livre dans la liseuse électronique n’existe que le temps de la lecture, puis il disparaît, comme effacé, ou siphonné. Nous fréquentions aussi l’objet, jadis (et naguère encore). C’était une présence physique, avec ses caractéristiques familières, une compagnie. Certains volumes étaient de vrais crampons, certes, des incrustés, des parasites, mais d’autres nous accompagnaient comme des fétiches, de déménagement en déménagement. Ils partageaient notre vie. Sans vouloir blesser ces purs esprits, nous les aimions aussi pour leur physique… Leur contenu était associé à leur aspect dans notre mémoire oublieuse et il nous suffisait d’en regarder certains sans même les ouvrir pour très exactement et en un éclair les relire. Voilà tout de même une chose irremplaçable qui va se perdre si la tablette absorbe la bibliothèque.
(...)
Dans la lueur de brasero de la veilleuse, avec la plainte de coyote du vent dans le conduit de la cheminée, le tipi d’Agathe, au centre de sa chambre, devient un vrai campement de Sioux. Et tandis que je m’assois à son chevet pour lui raconter une histoire, au lieu de Cendrillon, me viennent de vieilles légendes de la plaine que je ne savais pas connaître. Puis j’embrasse Petite Plume et je sors fumer mon calumet.
Le K est l’élastique qui donne au kangourou l’impulsion de son saut formidable. Le langourou, par exemple, n’irait pas si loin.
(...)
Au cinéma, je ne me place jamais au centre de la salle, toujours un peu de biais par rapport à l’écran – sinon ce n’est pas du cinéma mais la réalité, encore et toujours en face. Pour une fois qu’il est possible d’un peu se décaler.
(...)
Sosie troublant d’une comédienne au sommet de sa gloire, elle se demande avec amertume, en se penchant pour ramasser les morceaux de son bol, pourquoi soudain cesse la ressemblance.
(...)
(...)
comme ça tu visses comme ça
tu dévisses oh serai-je
toujours novice
Il passa son existence enfermé chez lui à lire des romans à suspense, des thrillers haletants, puis SOUDAIN… la mort survint.
Mon âme se languissait de mon corps. Chose étrange car, de mon vivant, leurs rapports avaient été plutôt tendus, voire conflictuels. Mais enfin, là, dans ce paradis émollient, il faut croire qu’elle éprouvait la nostalgie de ces combats intérieurs, de ces luttes intestines. Je ne m’attarderai pas sur les démarches infinies qu’il lui fallut entreprendre afin d’obtenir des plus hautes Instances la permission de descendre sur terre, et même sous terre, pour cette inhabituelle visite. Finalement, l’autorisation lui fut accordée.
Ce fut un jeu pour elle de traverser l’épaisse dalle de marbre du tombeau, un jeu si plaisant, si nouveau, si innocent, qu’elle fit deux ou trois allers-retours pour en jouir. Puis elle se coula tout aussi aisément sous le couvercle du cercueil.
Certes, j’avais changé. Mon corps était nettement moins glorieux qu’au temps où, sans menacer aucun record, il accomplissait en tout domaine de très honorables performances. Et mon visage aux traits jadis suffisamment harmonieux pour ne pas s’attirer de grimaces n’était plus qu’un masque de cuir sec collé à l’os. Malgré quoi, mon âme entra dans le cadavre et s’y sentit aussitôt chez elle. Cette séparation forcée avait été de toute évidence bénéfique pour leur relation, désormais sereine et sans disputes. Peu probable – j’en informe ici les plus hautes Instances – que mon âme ayant repris ses aises remonte jamais au Ciel.
Puis je fus las de mon désir banal pour les longues jambes fines et galbées, les fesses fermes, les seins ronds. Étais-je si commun ? Un corps mu par ses seuls instincts, si prévisibles ? Soudain, je me rebellai. Il devait être possible pourtant de dompter le désir, de proposer d’autres objets à sa satisfaction. Après tout, si le ragondin trouvait du charme à la ragondine, il fallait bien qu’elle n’en fût pas tout à fait dépourvue.
Je m’appliquai à le chercher. Et peu à peu, en effet, il se découvrit à moi. J’y fus sensible. J’aimai la souple ondulation du flanc de la ragondine ; sa toison rêche m’électrisait. Et ses longues incisives orange promettaient des mordillements dont la seule évocation mettait ma chair en émoi.
Je connus alors la période la plus sombre de mon existence, des années de frustration amère, de continence forcée, de passions univoques. Car je ne plais pas, mais alors pas du tout aux ragondines.
Ils avaient toujours vécu en parfaite entente ; l’âge et les années n’y changèrent rien et le jour où l’homme perdit son dernier cheveu, le peigne perdit sa dernière dent.
(...)
(...)
À quoi peuvent bien servir tous ces ponts que je n’emprunterai jamais ? Ces hommes qu’il a fallu mobiliser, cette énergie, ces matériaux ! Et tout cela pour quoi ? Pour rien ! Parfois j’en rougis de honte.
(...)
Comme je quittais hier matin la halte-garderie après y avoir déposé Suzie, je vis s’avancer à travers la cour d’un pas rapide, vêtu d’une sorte de treillis et armé d’un lance-flammes ou d’un bazooka, un de ces jeunes déséquilibrés qui s’introduisent dans les crèches ou les écoles pour y faire un carnage. De gros écouteurs sur ses oreilles complétaient sa panoplie de geek incapable de distinguer le bien du mal, le réel d’un jeu vidéo. Un monstre d’insensibilité et d’amoralisme, pur produit de notre société. L’horreur en marche.
Outre ma fille, une douzaine d’enfants se trouvaient à l’intérieur du bâtiment, sous la surveillance de trois ou quatre dames. Il y avait urgence. Pour éviter la tragédie, et quitte à y laisser ma peau, je devais intervenir, maintenant. Comment pourrais-je vivre avec le remords de n’avoir rien tenté ? Je me jetai sur l’individu.
Et les puéricultrices eurent toutes les peines du monde à me ceinturer tandis que j’enfonçais dans la gorge de ce malheureux cantonnier municipal le canon de son souffleur de feuilles.
Sauf que le mister Hyde en nous tapi est le plus souvent un petit monstre de mesquinerie sans aucun relief et plus banal encore que notre personnage officiel prisonnier de ses routines, lequel se donne un peu de mystère en laissant supposer qu’il cache dans les replis de son âme une créature du diable d’une absolue noirceur. Tout notre effort consistera donc à ne jamais lâcher en public ce gnome inoffensif et ridicule.
(...)
(...)
Le gâchis est partout, le gaspillage, la dilapidation insensée des ressources et des énergies. Et je ne parle même pas du pétrole, de l’électricité ou des hydrocarbures. Mais prenez l’allumette : elle a un bout qui ne sert à rien.
Pardon, mais là…
je dois y aller…
Suzie pleure.
Pour aller moins loin : L’article de Wikipedia sur É.C.
Quand je pense qu’alors même que j’étais dans le métro, ou en rendez-vous avec des gens qui ne sont pas venus, ou pire, avec ceux qui sont venus et qui n’avaient rien à dire, une certaine, que je ne nommerais pas, mais suivez mon regard, était en train d’imprimer l’éphémère trace de ses pied nus sur un littoral, les cheveux agités par la brise de mer et qui sait, peut-être même le regard dans le vague et les lointains... M’en fous, à midi, je suis allé manger une pizza à l’oeil et aux anchois. Et toc !
Sinon, tu savais que l’impression de creux, sur les photos, étaient dues aux ombres ? Regarde : si on retourne l’empreinte, elle a l’air d’être en relief. Tu dis ? Non, si elle avait couru sur les mains, ou en reculant, ça n’aurait rien changé. Elle est gentille cette Mélanie (de Tours) !
Salut les caphy’s. J’ai pensé à vous en lisant cet article de Frédéric Joignot, plutôt élogieux non ? J’en profite pour partager avec vous cette fantastique blatte littéraire dessinée par mad meg et reproduite dans notre revue littéraire Scribulations 01/10 (encore disponible). Gardez-vous du flytox !
Le Monde Magazine - 10 septembre 2010 - Aucune espèce ne mérite d'être détruite. Chacune a tellement évolué qu'elle porte en elle un savoir qu'aucune machine ne possédera jamais. Ainsi des cafards. Comment arrivent-ils à survivre dans les endroits les plus infestés, raclant les poubelles, mangeant les cadavres, défiant bactéries et maladies ? Au laboratoire de microbiologie de l'université de Nottingham, en Grande-Bretagne, des extraits des tissus nerveux de cafards ont tué la bactérie responsable de la méningite ainsi qu'un staphylocoque résistant aux antibiotiques. Les chercheurs tentent d'isoler les molécules actives. Alors regardez mieux les blattes, ce sont des pharmacies sur pattes.
F. J.
es textes très courts n’ont pas attendu Twiter. Il y a une tradition littéraire du proverbe, de la maxime, de l’aphorisme, de l’adage, du dicton, de la sentence, de la pensée, de la devise, de la réplique qui tue, et ici, du recours au dictionnaire de synonymes. Bref, la phrase qui fait mouche n’est pas d’hier et 140 caractères lui sont de longue date bien suffisants.
Mais tout porte à croire que Twiter, en offrant une diffusion massive, a boosté le genre. Il y a donc en littérature un style « mini » qui se porte bien, avec lequel Grégoire Lacroix habille très heureusement sa plume de longue date : il est né en 1933.
Je ne connaissais pas Grégoire Lacroix jusque là. (Précision aussi inutile qu’immodeste en ce qu’elle laisse entendre : que cet auteur aurait réussi à échapper à ma traque vigilante, de la surprise en résultant, puis dans cet anonymat maintenant battu en brèche, quelque facétie de son talent. Autrement dit, quelque chose comme : Par quel tour de force Grégoire Lacroix a-t-il réussi à échapper jusque ici à ma lecture ?)
Il m’aura fallu attendre que Véronique K. notre psychiatre tatouée, invariablement en tongs, m’apporte une nouvelle pile de livres accompagnée d’un « Tiens, j’ai pensé à toi. » qui me fait toujours un peu sursauter. J’ai peur de découvrir dans sa livraison « La folie meurtrière chez les éducateurs : comment la prévenir » ou « La psychopathologie pour les nuls et les travailleurs sociaux ». Bien à tort : sachant que j’écris, Véronique ne me prête que des livres où le langage est roi. Cette fois là :
Ces dates de parution, à elles seules, me fascinent. Ces cinq livres sont sortis entre octobre et novembre 2011. Ça tendrait à accréditer l’idée que même dans la « niche »des ouvrages consacrés aux jeux d’écriture et aux réflexions sur la lecture, plusieurs dizaines paraissent par an. Cette idée est à peine moins inquiétante que celle conduisant à penser que Véronique, en lacanienne intéressée par le langage, mais pas que, achète peut-être plusieurs dizaines de livres par mois.
Pour donner une idée du contenu d’Euphorismes, j’espère que personne ne m’en voudra d’avoir préférentiellement relevé au fil des pages ceux parlant des femmes. L’auteur nous y invite d’ailleurs, puisque son livre se termine page 223 par :
Quand une femme fait le premier pas,
c’est quelle veut avoir
le dernier mot.
Mais ça, c’est bien après l’inégalable :
La principale différence
entre l’homme et la femme
c’est la femme
Je vous donne ceux que j’ai relevé au fil des pages, en vrac :
Il y a des couples
où l’un des deux, au moins,
est de trop.
Il y a des femmes
qui vous rendrait heureux
si on les laissait faire !
La mauvaise foi
est une spécialité féminine.
D’ailleurs, tous les hommes
sont d’accord là-dessus.
Les femmes ne se doutent pas
que leur plus dangereuse rivale
c’est la liberté.
Les femmes ont un sixième sens.
Malheureusement, il est giratoire.
Je ne suis pas macho.
mais je suis obligé de faire semblant sinon
les femmes ne me prendraient pas au sérieux.
Il n’y a pas de plus beau
lever de soleil
que le sourire
d’une femme amoureuse.
Brûler de rencontrer la femme idéale,
c’est de l’impatience fiction.
Dans notre couple, ma femme et moi
nous sommes réparti les rôles :
Moi,
je suis le seul maître à bord après Dieu.
Elle,
c’est Dieu.
Je suis jaloux des fleurs :
elles plaisent aux femmes
sans le faire exprès.
Le mariage est le passage
de l’éphémère à l’effet-mémère.
Le plus grave reproche
que je puisse adresser à une femme
qui me quitte,
c’est de ne pas me manquer.
Il ne faudrait pour autant pas croire que l’ouvrage de Grégoire Lacroix ne s’irrigue qu’à l’inépuisable source des relations homme-femme :
La mort est une grande faucheuse
mais si vous l’accusez de faux et usage de faux*
Elle vous répondra par un ossement d’épaule.
Est-on vraiment obligé d’aimer
Ceux qu’on admire ?
Grâce au lecteur de code barre,
on va enfin savoir ce que
coûte un zèbre.
La pluie,
c’est un fleuve en pointillé.
Un seul être vous manque
et tout est comme avant.
Avec l’âge, on renonce
à bien des choses
dont on aurait pu se passer
beaucoup plus tôt.
Ce qu’on peut
reprocher à la jeunesse,**
c’est qu’elle se laisse trop
facilement convaincre
que la haine
n’est qu’une forme exaltée
de l’enthousiasme.
Il ne faut pas confondre :
ce n’est pas parce qu’on est seul
qu’on est unique.
C’est à sa mort
qu’on sait si un écologiste
était sincère :
il n’oublie pas de s’éteindre
en partant...
J’aime les textes courts. Mais je ne vois là aucun effet pervers d’une époque pressée, où l’émiettement de notre continuum obligerait sans cesse à zapper, nous interdisant de lire long. La lecture, je la vois comme un mur de soutènement, à l’appareillage cyclopéen, les gros blocs de nos auteurs favoris laissant entre eux assez d’interstices pour y glisser des nouvelles, des articles, des euphorismes, de nature à solidariser le tout.
Par ailleurs, l’ouvrage de Grégoire Lacroix se présente comme un vrai livre : vraie reliure, vraie jaquette, vraie mise en page, vrai travail sur la typo et l’impression, vraies illustrations, vrai papier satiné bistre. C’est dans cette valeur ajoutée par le travail de l’édition que les livres papiers garderont les honneurs de nos bibliothèques. Elles encore trop encombrées d’ouvrages aux pages à peine collées entre elles au sortir de l’imprimante, juste vêtus d’une pauvre couverture à guère plus épaisse que leur papier. Ceux là, on gagnerait à les lire à l’ordi, ou sur n’importe quelle liseuse électronique, pour n’acheter que les meilleurs dans leur version matérielle.
Du même Grégoire Lacroix, ne loupez pas son musée imaginaire, en ligne sur Picassa, d’où j’ai extrait certaines illustrations de cet article, ni son carnet, joliment titré : « Un avant goût de mes arrières pensées » où vous trouverez même des « fables express » qu’on croirait échappées de Scribulations.
** Plus que la jeunesse, cet euphorisme me parait plutôt concerner les électeurs du Front National.
es alphabets aux nuanciers, il n’y a qu’un pas. Le même nous conduirait aux notes de musiques, au tableau périodique des éléments et à toutes ces nomenclatures rangeant côte à côte les petites unités grâce auxquelles on construit tout le reste.
Je n'avais pas trouvé de nuancier des crayons de couleur « Polychromos » de Faber Castell, ceux que j’utilise (jusqu'au coup de main de Philippe, en commentaire) Du coup, j’en avais bricolé un en plongeant la pipette de Photoshop dans chacun des 120 crayons d’une image de la boîte complète - comptez deux heures de boulot - mais l’essentiel manquait : leurs noms (C'est fait depuis). En lot de consolation, je vous ai retrouvé l’inventaire des miens (je ne les ai jamais eu tous).
Sur les nuanciers, on pourra lire aussi :
Caféine
La tête en croix dans mes chaussons, j'aspirais fort à l'allongeade. Je ne me doutais pas que sur l'édredon (oh non !) se tramait une embuscade. Je me croyais parti pour la nuit, tant ma fatigue était énorme. J'en étais tombé sur mon lit comme un tampon de chloroforme. Au moment pile où je m'endors, j'en profite pour me réveiller, le regard monté sur ressorts, le reste au ras du plafonnier. J'ai dû m'en taper un de trop, c'est à chaque fois la même histoire. Elle frappe la nuit et dans le dos la félonie du café noir. Elle choisit toujours bien son heure l'autre empaffée de caféine. Petit jus de percolateur je te hais toi et ta copine. On croit s'assoupir en sursaut on se réveille comme un cran d'arrêt. Petit café mon gros salaud, café de trop, que je te hais !
(refrain)
Caféine
Moulu, moulu, moulu, moulu, moulu, moulu
Petit moka tu m'as moulu
Moulu, moulu, moulu, moulu, moulu, moulu
Petit moka tu m'as moulu
Je suis bouillu je suis foutu.
Au moment pile où je m'endors, j'en profite pour me réveiller ; le regard monté sur ressort, le reste au ras du plafonnier. J'ai dû m'en taper un de trop, c'est à chaque fois la même histoire. Elle frappe la nuit la félonie du café noir. Malheur à celui qui la nuit a des retours de robusta, des insomnies pure Colombie, la fièvre de l'arabica. Ca finit debout sur le lit possédé par le cha-cha-cha. Malheur à celui qui la nuit est poursuivi par un kaoua !
(refrain)
Caféine
Moulu, moulu, moulu, moulu, moulu, moulu
Petit moka tu m'as moulu
Moulu, moulu, moulu, moulu, moulu, moulu
Petit moka tu m'as moulu
Je suis moulu je suis foutu.
Au moment pile où je m'endors je finis par me réveiller ! Aaaah, zbaïm !
Primitif
Ma chère Coline,
ce petit mot pour te dire que je pense à toi. Je pense à toi quand je mange du fromage, je pense à toi devant le paquet de céréales fourrées, je pense à toi aussi en croquant de cornichons, je pense à toi en cuisant du riz sauvage.
Je pense à toi à la porte de ma chambre devant l’affichette « ne pas déranger », je pense à toi quand je vois tes pantoufles oubliées dans les coins, quand je vois le plateau et le verre d’eau sur la table ronde, ta photo au mur de l’entrée, au tableau de la cuisine, dans le tiroir de mon bureau et dans mon portefeuille.
Je pense à toi en passant devant la piscine et sous le petit pont vers l’aérodrome où tu t’étais épluchée sur le goudron en tombant en vélo, je pense à toi aussi quand je passe devant le bâtiment qui te rappelle l’auditorium de Crupies.
Je pense à toi quand ton linge traîne ou qu’il sèche, je pense à toi en prenant mon savon vert à côté du ton savon rose pour me laver les mains, je pense à toi en prenant ma brosse à dents dans le pot où est rangée la tienne, je pense à toi en posant le livre que je lis avant de dormir sur la pile d’histoires de la chaise bleue.
Je pense à toi en m’asseyant sur la banquette où tu dors, je pense à toi en allumant la télé, je pense à toi en fumant puisque je ne fume pas quand tu es là, je pense à toi quand Monty me regarde, je pense à toi quand j’écris cette page.
Je pense à toi devant le Mont du Pouilly, je pense à toi quand je fais les courses à ED et que je passe devant le Mac Do, je pense à toi quand je retrouve les petits jouets de plastique accumulés dans le tiroir.
Je pense à toi quand le ciel est dégagé et qu’on aperçoit le Mont-blanc, je pense aussi à toi quand on ne le voit pas, qu’il est caché par des nuages.
Je pense à toi en jouant de la guitare. Un jour, à côté de moi sur la banquette tu m’avais dit : « Tu vas me casser les oreilles encore longtemps ? » Je pense à toi quand vendredi approche ou que dimanche se termine.
Je t’aime et t’embrasse très fort.
Papa
Elle m’avait répondu, bien sûr et sa lettre commençait par : « Cher Papa, je pense aussi très fort à toi quand je vais à l’école, parce que, quand je suis avec toi, je n’y vais pas. » et qui se terminait par : « Tu ne trouves pas que Béryl et Orion sont des chiens, non ? »
e faire-part de naissance de notre petit dernier rassemblait dans un même envoi cette carte du ciel, figurant la constellation d’Orion, au cas où tu ne l’aurais pas reconnue malgré un contexte pour le moins explicite, avec la petite carte, et le récit de sa naissance, reproduit ci-dessous.
Si on m’avait dit que vingt-quatre ans plus tard, il ouvrirait un restaurant avec son grand frère... je crois finalement que ça ne m’aurait pas surpris. Du moins pas plus que le reste. Je ne suis pas sûr que cette prédiction l’aurais surpris lui ; plutôt intéressé : il a toujours eu bon appétit.
Samedi 10 Septembre 1988 Villeneuve d'Ascq
7h - N'arrivant pas à se rendormir depuis six heures, la maman se plonge dans un bain. Une urgence la hante: se laver les cheveux.
7h30 - Tout indique que décidément ce sera aujourd'hui le grand jour. Béryl va réveiller son père ...
7h40 ... qui part aussitôt, emportant Coline, chercher la nounou pressentie pour garder la smala pendant l'heureux événement.
7h45 - Les événements se précipitant, la maman préfère assurer en téléphonant à une puis à une autre ambulance. Entre deux râles son interlocuteur comprend qu'il y a urgence.
7h55 - M. l'ambulancier et madame l'ambulancière tombent sur Béryl venu timidement demander s'ils étaient là pour la dame qui devait accoucher - oui - alors c'est par là.
8h - Grâce à des contractions maintenant ininterrompues et faisant fi des conseils de sa mère, Orion pointe le bout de son nez sur la banquette du salon, entre M. l'ambulancier très calme et Mme à qui l'aventure était déjà arrivée.
8h05 - Orion pousse son premier cri, timide, et son deuxième, plus franc celui là. Béryl, consigné dans sa chambre, inquiet d'entendre les efforts de sa mère, est rassuré d'entendre le bébé. Il vient faire connaissance. Sur la route la nounou le papa et Coline ne se doutent de rien.
8h10 - Le papa est réquisitionné par hasard en bas de l'immeuble par M. l'ambulancier, pour l'aider à monter le brancard. « Vous venez pour la dame qui va accoucher ? — On vient pour la dame qui A accouché. — Argh! C'est ma femme! »
8h15 - Le papa fait connaissance avec Orion (un petit gros). Bien emballés, la maman et le bébé sont portés jusqu'à l'ambulance. On n'est pas trop de quatre dans les escaliers.
À la maternité, on apprendra qu'Orion pèse 3.850 kg, qu'il mesure 48 cm, qu'il ne s'est pas refroidi pendant le transport, qu'il est en pleine forme - sa maman aussi - qu'il est réputé né à Roubaix puisque c'est là qu'a été coupé le cordon et que décidément dans cette famille on ne sait rien faire comme tout le monde.