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26 avril 2011 2 26 /04 /avril /2011 18:55

 

 Pedro Campos 1 - Peintre photo réaliste - Le carnet de Jim

 

Suivre la pente des peintres photoréalistes, perso, je veux bien, mais ils pullulent. C’en est presque inquiétant. Pire : je commence à leur trouver un intérêt artistique au-delà de la simple surprise créée par l’illusion d’optique. Tiens, regarde, Pedro Campos par exemple. Son travail semble emprunter les passages obligés de ses prédécesseurs : fruits et légumes pétant de santé,  verrerie astiquée à la peau de chamois, objets manufacturés sortant de l’usine. On attendrait presque avec impatience le premier peintre photoréaliste osant la poussière et les tâches de gras. Pas de poussière ni de tâche de gras chez Pedro Campos - comme avec Roberto Bernardi, dont la vaisselle, même dans l’évier, paraissait aseptisée - on reste dans le propret, mais à bien y regarder, je trouve assez touchant son traitement des sacs plastiques et de l’alu ménager. On trouve chez Pedro Campos, sans chercher bien loin, des sources d’inspiration quotidiennes, voire familières. Chez lui, pas de vastes paysages, mais pas de scènes urbaines non plus, juste quelques objets assemblés comme à portée de main. On est pas encore dans le chiffon à poussière et la balayette de chiotte, mais on se rapproche du quotidien en s’éloignant, me semble-t-il, de la seule mise en scène d’objets rassemblés pour briller sous nos yeux émerveillés. Il y a un autre élément finalement assez étrange chez Pedro Campos, du moins pour moi, c’est son jeune âge. Il ne fait pas parti de la génération « historique » des peintres photoréalistes des années 70 et 80, mais de celle d’après. J’aimerais beaucoup lui demander ce qu’il pense de ses prédécesseurs et ce qu’il investi, à son tour, dans ce travail spectaculaire, certes, mais pas franchement nouveau. Si vous le croisez...  

 

Pedro Campos est né à Madrid en 1966, il est diplômé en 1988 de l’École officielle de conservation et de restauration des oeuvres d’art de Madrid. Jusqu’en 1998, il restaure des peintures dans toute l’Espagne et travaille comme illustrateur pour différentes agences publicitaires. Actuellement, il vit et travaille à Madrid, où il se voue exclusivement à la peinture photoréaliste à l’huile sur toile. (D’après artelibre.net)

 

 

Pedro Campos - Peintre photoréaliste - assemblage de quatr

 

 

Les illustrations sont tirées du site de Pedro Campos (en espérant que le lien fonctionne, cette fois...) 


Dans le genre photoréaliste, voir aussi Roberto Bernardi

 

 

24 avril 2011 7 24 /04 /avril /2011 22:12

 

 

 

Don Eddy - Leonard's folk took a trip - 1969 - Le carnet de

 

 Don Eddy - Rat - 1969 - Le carnet de Jimidi

 

 

 

Lettrine (M Rockwell - Don Eddy) Le carnet de Jimidiarrant ça : on ne trouve pas grand-chose sur Don Eddy. Ses bios riquiqui nous apprennent qu’il est né en 1944 en Californie, où il vit encore. On apprend également qu’il est converti au bouddhisme, ce dont on pourrait se foutre complètement, si ce n’est que les rares commentateurs - qui se recopient volontiers entre eux - semblent établir un lien entre la démarche spirituelle de l’artiste et son attention portée à chaque chose, dans chacun de ses détails. Admettons.

 

Perso, j’avais découvert Don Eddy à l’occasion d’une précédente note sur Roberto Bernardi - Peintre photoréaliste -  où j’avais élargi mon propos à d’autres peintres, dont Don. J’y repensais en évoquant avec Mélanie la malédiction photoréaliste frappant ce carnet. Elle m’engageait à ne pas lutter, à suivre la pente, à me laisser aller à la gravité. « C’est ton karma » ajoutait-elle entre deux gorgées de Don (Pérignon). Mais avant de me sentir devenir jusqu’au-boudhisme, je l’ai laissé sous les ors ternis de sa préfecture pour rentrer à pied.

 

Mais très heureusement, dans ce relatif désert, au sein duquel le site de la galerie de Nancy Hoffman, pourtant chargée des intérêts de l’artiste, ne fait guère figure d’oasis,  le site de Don Eddy présente une quasi encyclopédie de ses oeuvres, très heureusement classées par tranches chronologiques : 67-72, puis 73-1990, 91-2004 puis 2005 à 2006 et enfin « Recent painting » soit au total 155 oeuvres : largement de quoi se faire une idée. 

 

Don Eddy - Van Wyk Volkswagen - 1971 - copy - Le carnet de

  

Don Eddy - Wrecking Yard - 1971 - oil on canvas - 66 x 66

 

 

Don Eddy semble démentir l’adage selon lequel, pour un peintre, les soixante premières années sont les plus difficiles. Ses toutes premières oeuvres témoignent d’une inspiration plutôt surréaliste, mais qu’il abandonne assez vite pour verser dans un hyperréalisme où son hallucinante maîtrise technique lui permet semble-t-il de s’épanouir. Ses sujets sont alors volontiers automobiles, avec une prédilections pour la « Coccinelle VW » qu’il peint dans tous ses états. Puis il se passe quelque chose de très intéressant avec l’irruption de la réflexion, comme si le peintre avait réalisé que les vitrines - à commencer par celles des concessionnaires auto - offraient une possibilité de « tableau dans le tableau » ou plutôt de représenter sur la même surface le dehors et le dedans, les voitures exposées et celles garées devant le magasin.

 

Don Eddy - BMW showroom windows - 1971 - Le carnet de Jimid

 

Don Eddy - Bananas, Apples, Avocados & Tomatoes Supermarket

 

Don Eddy - Siver shoes - 1974 - Le carnet de Jimidi

 

 

 

Puis Don Eddy semble se faire bouffer par la vitrine ou, pour utiliser une image plus poétique, franchir le miroir et se perdre. Ce doit être un moment assez terrible, celui où l’on réalise que sa virtuosité permet de tout représenter, que rien n’est trop compliqué pour sa technique. Peut-être faut-il voir alors dans les vitrines de verres et les vitrines de jouets une sorte de défi lancé au peintre par lui-même ? On sent dans ces oeuvres quelque chose d’ultime, d’incroyablement habile mais en même temps d’une grande aridité. C’est parfait, mais en même temps quasi pénible à regarder.

 

Don Eddy - G-III - 1979 - oil on canvas - 73 x 48 

Don Eddy - CII - 1980 - Le carnet de Jimidi

 

 

On repère très bien comment s’est effectué le passage à la période suivante. Dans la vitrine, le peintre a fait figurer des légumes à la place des jouets, ce qui est en soi une bonne idée, les uns et les autres présentant des formes rondes, des couleurs vives, un aspect vernissé. Puis les légumes sont peints pour eux-mêmes, sans rayonnage et j’ai l’impression que par eux, Don Eddy retrouve un lien avec le vivant, la nature. C’en est fini des villes, des automobiles et des vitrines. Les toiles suivantes font appel à des éléments végétaux, des paysages, de l’eau, des nuages et ses dernières oeuvres consistent en de bien intéressants assemblages de plusieurs toiles, composant des scènes dont on sent bien qu’un discours justifie leur coexistence, mais sans que celui-ci soit très explicite, même si on sent des préoccupations humanistes, environnementales et quelque chose de new âge dans la glorification d’une nature où l’homme se fait discret.

  Don Eddy - Dreamreader's harvest - 1989 - Le carnet de Jimi

 

Don Eddy - Dreanreader's table - 1990 - Le carnet de Jimidi 

Don Eddy - Rumi's four seasons - 1998 - Le carnet de Jimidi

 

 Don Eddy - Standing in the way - (après 2000) - Le carnet

 

 

Ce n’est pas la période que je préfère. Je sens là une volonté de faire « joli » dont les résultats me paraissent un peu trop décoratifs. J’aime mieux les sujet urbains, les voitures et tout particulièrement les oeuvres peintes par Don Eddy entre 1970 et 1974, quand il mélange objets et reflets dans les vitrine, même (ou surtout ?) parce qu’elles annoncent l’impasse dans laquelle le peintre va s’engager pour plus de dix ans.

 

Don Eddy - Genesis song II - (après 2000) - Le carnet de J

 

 

  Illustrations : Toutes ont été extraites du site du peintre.

 

 

17 avril 2011 7 17 /04 /avril /2011 10:33

 

LO - Douceur bleutée - Le carnet de Jimidi

 

 

Lo - objets du quotidien - canette de Coca - Le carnet de J

 

 

 

 

Lettrine (LO Franklin Gothique) Le carnet de Jimidi Torregrossa occupe parmi les artistes dont j’admire le travail une place particulière puisque j’ai un dessin original de lui : un projet de couverture pour un livre jamais édité. Lo occupe également une place particulière parmi les autres peintres photo-réalistes, en plaçant ses pinceaux et son aérographe un chouia plus côté peinture que photo. Je m’explique. Fréquemment, les oeuvres hyper-réalistes provoquent un léger malaise liée à l’incertitude qu’à leur spectateur, sur le Net, de se trouver devant une photo ou la photo d’une oeuvre. C’est le malaise du trompe-l’oeil : somme nous devant le réel, ou son image ? Parfois, ce léger malaise n’est qu’un début, l’artiste profitant de notre incertitude pour nous fourguer un propos volontiers dramatique - Je pense tout particulièrement à Ron Mueck - mais que sa virtuosité technique rend sinistrement crédible.

 

Chez Lo, pas de malaise. Il peint et heureusement, ça se voit. Pas dans les coups de pinceaux, mais plus subtilement dans la lumière intérieure très particulière qui illumine ses oeuvres. Si cette lumière était un son, ce serait peut-être celui d’un carillon accroché sous la véranda, tintinnabulant dans la brise de mer. Si c’était une fleur, ce serait un bouquet frais trônant sur la table d’un repas dominical rassemblant la famille. Si c’était une odeur, ce serait celle d’une pâtisserie en train de cuir au four. C’est donc une lumière tendre et optimiste, une lumière qui éclaire la coupe de la vie - celle qu’on boira jusqu’à la lie - encore moitié pleine plutôt que déjà moitié vide. Une lumière nostalgique, mais dont on aurait enlevé toute tristesse, comme ailleurs la caféine dans le caoua.

 

Lo - Un peu plus loin - Le carnet de Jimidi

 

Un autre truc qui m’embarque bien dans le travail de Lo, c’est les bateaux. De toute façon, moi, toutes les grosses machines à voyager... Du coup, comme je sais que tu passeras tôt ou tard par ici, je te recommande les photos d’Hervé Cozanet de l’Arctic Princess. Si je ne me trompe pas trop, elles devraient te plaire. Tu dis ? M’envoyer une toile pour me remercier ? C’est trop gentil ! (Ça ne coûte rien d’essayer. Hi hi !)

 

Vous pourrez admirer les oeuvres de Lo sur son site, les acheter, commander le portrait de votre maison, ou tiens, celui de votre yacht ou encore mieux, celui de votre porte-containers.

 

Arctic-ponts--photo-Herve-Cozanet---4

 

L’Arctic Princess - Photo Hervé Cozanet

19 septembre 2010 7 19 /09 /septembre /2010 09:20

 

 Duane Hanson - Flea market

 

 

  Lettrine (J pastille Duane Hanson)   

 

 

e partage avec mon essuie-tout, mon éponge à vaisselle et la litière des chats une capacité d’absorption limitée. C’est la conclusion provisoire à laquelle je suis arrivée après une nouvelle avalanche netkulturienne d’artistes hyper-réalistes. Ça doit être une question de quantité, mais pas seulement. Je m’étais montré mi-étanche à Ron Muek mais très perméable à Bruno Walpoth et relativement infiltré par Roberto Bernardi. Avec Randall Rosenthal et surtout l’ultra-réaliste (sic) Marc Sijan, ça passe pas. Mais peut-être ne m’étais-je pas assez essoré des autres pour recevoir ces deux là coup sur coup ?

 

Depuis, je me dis qu’il y a très probablement - en plus - quelque chose dans la démarche même de ces deux artistes qui les fait glisser sur moi telle la condensation vespérale sur le canard noctambule, mais quoi ? Je cherche, je cherche, mais en vain.  Je ne vois pas pourquoi il serait moins légitime pour eux deux de donner à ce qu’ils montrent les apparences de la réalité, au point de s’y méprendre. Je ne vois pas non plus en quoi ils y réussiraient moins bien. Rien du côté des sources d’inspiration : la figure humaine, les objets quotidiens... Alors ? Les accessoires véristes de Marc Sijan ? Bah, Duane Hanson a fait pire et j’aime plutôt bien ce qu’il fait. Le côté vain et gratuit des piles de journaux de Randall Rosenthal ? Bah, c’est sans doute justement là-dessus que porte son propos et l’idée même de sculpter dans du bois une planche à découper en faisant également figurer au menu couteau, légume et agenda de recettes est plutôt marrante avec son côté « tout ça pour ça ? » (Cf. les très intéressantes images de l’oeuvre en cours de réalisation.)

 

On aura donc compris que je ne suis pas emballé par oeuvres en trompe-l’oeil de Randall Rosenthal et Marc Sijan, mais tiens, en parlant d’emballage, ça m’a permis de remettre la main sur les articles consacrés à Christian Renonciat et Bruno Walpoth et de confirmer qu’alors là : oui.

 

Jimidi 

24 juillet 2010 6 24 /07 /juillet /2010 23:37

  Roberto Bernardi - Lavabo

 

(…) The realistic elements of the composition are filtered through a photographic image resulting in a highly technological reproduction. This image is then successfully translated, using the traditional techniques of oil painting on canvas, to a perfect image of reality.

 

Albemarle Galery à propos de Roberto Bernardi

 

  Roberto Bernardi 2

 

Lettrine--A-Roberto-Bernardi-.jpg

 

 

 

 

 

la rubrique des bonnes habitudes à garder ici, on trouvera sur ce carnet comme, dans le précédent, des articles qu’on pourrait ranger dans la catégorie « Tout ce que Tonton (de Netkulture) aurait pu vous dire s’il était moins fainéant. Pardon : moins pressé. Je sais, je sais, c’est la brièveté et l’éclectisme de ses notes qui font le grand intérêt de Netkulture, mais son côté superficiel me fait parfois un peu soupirer - même si du coup, j’ai bien de la place pour creuser - quand à la mauvaise habitude consistant (trop souvent) à copier coller en guise d’accompagnement, les deux lignes et demi de texte de quelqu’un d’autre, disons le tout Net : ça m’exaspère. Tu dis ? Je l’ai déjà dit ? C’est vrai et j’avais ajouté que les qualités de Netkulture l’emportaient de toute façon très largement sur ses défauts, ce dont je reste persuadé.

 

Donc, Netkulture, dans son hier-note du 23 juillet 2010, nous invite à découvrir le travail de Roberto Bernardi, peintre, accompagnant trois petites repros de trois petits mots très empreints de cet étonnement qu’une brève recherche sur Google retrouve tel quel, copiée collée de blog en blog et qu’on pourrait formuler ainsi : On dirait des photos ! On peine à croire qu'il s'agit de toiles peintes ! 

 

Et tout le monde s’arrête là. Je trouve ça un peu paresseux, de réduire des œuvres au trouble qu’elles engendrent, au doute qui nous saisi quant à la technique les ayant engendrées, photographie ou peinture. Je n’ai rien contre la surprise et le doute, au contraire, ce sont de bonnes portes d’entrée, mais une fois poussée cette porte là, pourquoi ne pas aller voir un peu ce qu’il y a derrière ? Vous avez quand même bien cinq minutes, non ?

 

« On dirait une photo ! » La formule est une peu raccourcie, mais tout le monde perçoit bien l’idée, sous-jacente, selon laquelle la photographie, comme technologie, est ici convoquée comme offrant la meilleure référence sur la réalité objective. Si on développait (hi hi !) la formule on aurait alors quelque chose comme : « Ce qu’on voit parait aussi objectivement rendu qu’une photographie du même sujet, de la même composition. »  Notez quand même, au passage, qu’une jolie photographie d’un coucher de soleil tout plein de nuages orangers sur une campagne sombrant délicatement dans la nuit attirerait inévitablement cette remarque : « On dirait un tableau ! » la peinture, à son tour convoquée comme art, paraissant dans cette circonstance offrir la meilleure référence en matière de représentation. Comme quoi…

 

« On dirait une photo ! » saute un peu vite sur la technique, oubliant au passage des trucs bien intéressants, parce qu’entre nous, s’agissant de la repro ouvrant cet article, on dirait surtout un évier plein de vaisselle non ? C’est quand même un peu embêtant, de faire ainsi l’impasse sur le sujet. Comme s’il était indifférent qu’on nous montre un évier, une coupe de fruit ou des bocaux de friandises, pour rester dans les sujets traités par Roberto Bernardi, leur seul intérêt étant alors de ressembler point par point au modèle… Or il apparaît assez vite, pour qui prend la peine de remonter aux sources d’inspiration du peintre, tel qu’en témoigne la succession chronologique de ses toiles, qu’il n’a pas peint des éviers toute sa vie. Y’a deux fils rouges, qui paraissent tenir assez bon pour qu’on s’y cramponne : la matière et, justement, les sujets.

 

Roberto Bernardi 3

 Roberto Bernardi 1

 

Concernant la matière et son rendu pictographique, il est clair que Roberto Bernardi est arrivé à une virtuosité bien intéressante. Certaines œuvres témoignent d’une recherche assez acharnée en ce sens. Je ne vous les ai pas mises ici, mais plusieurs de ses natures mortes ne semblent avoir été composées qu’avec l’intention de rassembler en un minimum d’espace des matières variées : liquides colorés, matières organiques ou minérales, brillantes ou mat, transparentes ou non, offrants beaucoup d’aspects de surface différents, alignés comme autant de défis, d’obstacles à franchir pour le peintre. Cette composante du travail de Roberto Bernardi peut apparaître comme assez peu personnelle. Si vous avez en tête certaines tableaux classiques (pour ne pas dire pompiers), dans la plupart, de nombreux détails « signent » l’auto-satisfaction de rendre parfaitement, en vrac, la verrerie, la fourrure, le velours, sans parler des b.a.-ba du faux bois et du faux marbre. Paradoxalement, c’est un talent qui se remarque d’autant moins que le résultat est réussi. Comme contre exemple, je vous ai trouvé ce tableau de Luigi Benedienti représentant deux choux à la crème. La chantilly, vous voyez ? On dirait de la mayonnaise ou de la graisse à traire.

 

Luigi Benedienti - Un dolce bacio

 

Mais du coup, si on se met deux minutes à la place de Roberto Bernardi, on peut imaginer quels efforts, quelles recherches, combien d’essais et finalement quelle satisfaction peut retirer un peintre qui la veille n’arrivait pas à rendre, je sais pas moi, le polychlorure de vinyle, et qui aujourd’hui y réussit. On doit alors avoir le sentiment d’être au plus près, au plus intime de la matière, d’en partager le secret. Oui, vraiment, ça doit être enthousiasmant, peut-être même assez pour se satisfaire de rassembler en vrac des trucs et des machins sur une table devant soit et de se dire : Chiche !

 

Roberto Bernardi - Caramelle di cristallo

 

Retour à l’évier - donc au sujet - mais par un détour. Ayant fait l’effort d’aller jusqu’au site du peintre, j’ai poussé jusqu’à la page des liens, puis au-delà, jusqu’aux sites des galeries l’ayant exposé. Bien intéressant voyage, permettant très heureusement de situer Roberto Bernardi parmi d’autre peintres hyper-réalistes ou, pour reprendre une catégorie employée par l’une des galerie, parmi les peintres Photoréalistes. Y’en a des wagons et c’est une première surprise. Sous les trois ou quatre toiles de Roberto Bernardi émergeant à peine de la houle du Net se cachent des dizaines de peintres, des centaines d’œuvres partageant cette intention réaliste, du moins techniquement. Ce que j’ai vu rentre assez bien dans les catégories classiques : paysages, portrait et figure humaine, natures mortes, mais c’est pour mieux les détourner mon enfant. Les leçons de Duchamp et de sa « fontaine » ont été apprises, et retenues. Les paysages sont très volontiers urbains et les natures mortes font plus appel aux objets du quotidien, avec une surreprésentation des engins terrestres à moteur, qu’aux fleurs et aux fruits. Les mieux inspirés des peintres Photoréalistes - Roberto Bernardi en fait maintenant parti - se souviennent qu’en choisissant un sujet, ils imposent au spectateur d’y voir de l’art. Je dis « sujet » mais il faudrait préciser, ou plutôt inclure également le cadrage et le point de vue. Ce n’est plus, comme l’urinoir de Duchamp, seulement une provocation. En choisissant comme sujet de leurs œuvres des endroits, des objets, des scènes qu’on n’associerait pas spontanément sans eux à de l’art, tout pollués que nous sommes par des histoires de beauté, ces artistes témoignent à la fois de la réalité et de leur vision du monde.

 

Cherryl Kelley - Green Shelby

Don Eddy - Wrecking Yard 1

Peter Maier - Purpel Haze

Don Jacot - Rush hour

Matthew Pierog - Green tomatoes

Raphaella Spence - Mystery

 

Pour en finir avec le réalisme, puisque c’est de lui qu’est venu notre premier étonnement à la découverte de Roberto Bernardi, regarder des dizaines d’œuvres de ses contemporains, exposés comme lui dans les mêmes galeries, fait naître l’idée un peu curieuse que techniquement, le réalisme n’est pas seulement une qualité, mais apparaît également comme une quantité. On serait presque tenté d’en indiquer le pourcentage au regard de chaque peintre, voire devant chaque œuvre, certaines paraissant plus réalistes que d’autres. Mais cette tentation d’attribuer à Roberto Bernardi le maximum de la note, et l’Oscar de la « perfect image of reality » - pour reprendre l’argumentaire de la galerie Albemarle, qui parait bien avoir cédé à ce vertige - nous ferait décidément passer à côté de l’essentiel. Il suffit pourtant de le regarder, notre évier.

 

Je doute que ce soit un évier. On dirait beaucoup plus un lavabo, ce que tend à confirmer le carrelage, qui fait à mon avis plus salle de bain que cuisine. Et alors ? Alors à part la tasse en inox dans laquelle reste un fond de café au lait avec trop de lait et le gobelet qu’on sait même pas en quoi il est dans lequel stagne ce qui pourrait être du jaune d’œuf, le reste de la vaisselle est entièrement déjà propre. Et alors ? Et alors tu peux me dire ce qu’il y a de réaliste à rassembler sous un filet d’eau sans produit qui mousse de la vaisselle déjà propre avec deux fourchettes chirurgicalement stériles et pas d’assiette ? Non, on est bien dans une nature morte et donc dans un rassemblement d’éléments choisis, étudié, mis en scène, jusque dans la vue plongeante de trois quart, qui pourrait apparaître comme subjective, mais qui ne l’est pas. Si la scène nous était présenté du point de vue de celui qui s’apprêtait à faire la vaisselle, on aurait le robinet plutôt en face, à moins de vouloir tout faire en crabe… L’hypothèse nature morte se confirme. Du coup, je trouve beaucoup de parenté entre cette toile et d’autres du même, qui partagent cette mise en scène de matières, avec ici, peut-être une prédilection pour le métal, le verre et l’émail. On aura aussi noté la parfaite disposition des trois taches de couleur, le filet d’eau évitant de justesse, très dynamiquement, le centre géométrique de la composition et sans doute plein d’autres choses qui me sauteraient aux yeux s’il n’était l’heure de ma sieste.

 

Jimidi

 Dans le genre, voir aussi Pedro Campos  

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