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25 février 2014 2 25 /02 /février /2014 11:08

CARTON-INVITATION-EXPO-07-03-14-copie.jpeg

 

 

Michel Pagnoux, nous le connaissons pour avoir réalisé la (très belle) couverture du numéro 01/12 de Scribulations et c'est toujours un plaisir pour le redac'chef que je suis d'avoir des nouvelles des scribulateurs, surtout quand elles sont bonnes. Tu sais ce qu'on dit : "Scribulateur un jour, scribulateur toujours !" Donc il expose, et donc tu vas y aller et prendre des photos à m'envoyer. Merci d'avance. 


Un article consacré à Michel, sur cet ici-carnet

 

Un article consacré à la (très belle) couverture de Scribulations 01/12

 

Tout sur Scribulations 01/12, sur le blog de la revue

 

Sans oublier le site du peintre

 

 

 


 


30 septembre 2012 7 30 /09 /septembre /2012 08:07

 

 

Si tu as lu, ici, l’article « Dégradés » ( il faisait suite à « Des violets grands ouverts » ) tu ne t’étonneras pas que j’ai été accroché par l’article de Claire Guillot sur Hiroshi Sugimoto pour le magazine du Monde du 16 juin 2012...

 

Hiroshi Sugimoto - Les couleurs de l'ombre (Illustration de

 

Lettrine--V-Prisme-II--le-carnet-de-Jimidi.jpgiolet, indigo, bleu, vert, jaune, orange, rouge. Quoi de plus simple et de plus mystérieux qu'un arc-en-ciel ? De plus fascinant pour l'œil humain que le subtil dégradé des couleurs de ce monde ? Cette magie toujours renouvelée des choses, Hiroshi Sugi- moto, 64 ans, en a fait la matière de ses œuvres. Le Japonais est photographe, et pourtant il a toujours travaillé sur l'invisible. Ses œuvres méditatives et minimalistes disent le temps, celui qui passe, ou la lumière - omniprésente et impalpable. Le voilà désormais face à la couleur. «J'ai acheté une première édition du livre L'Optique, d'Isaac Newton, publié en 7704, explique Hiroshi Sugimoto ; de passage à Paris. Il a été le premier à décomposer la lumière et à nommer les sept couleurs. J'ai voulu refaire cette expérience à plus grande échelle.» Il lui a fallu près de dix ans pour mettre au point son projet, intitulé « Couleurs de l'ombre». A Tokyo, au sommet d'une colline, tout en haut d'un immeuble, il a installé un prisme de verre de 2,50 mètres de haut, taillé dans un verre optique le plus pur qui soit. Les murs ont été recouverts de shikkui, un enduit traditionnel qui reflète et absorbe uniformément la lumière. Puis l'artiste a attendu chaque jour, patiemment, que pointe l'aurore. Lorsque les rayons du soleil ont frappé le prisme, ils ont créé sur les murs blancs des teintes chatoyantes, décomposant la lumière du jour en un infini dégradé de couleurs. Un phénomène ténu, provisoire : inexorablement, l'heure tourne, le soleil se déplace, les couleurs changent. De quoi éprouver physiquement le temps qui passe. Mais aussi de quoi faire une plongée dans l'espace : «La lumière sur le mur vient du Soleil, qui est situé à 750 millions de kilomètres de la Terre, dit-il. Ces couleurs ont déjà plusieurs années, elles sont un enregistrement de l'histoire de l'univers. » Evoquant ainsi la course vertigineuse de la lumière, Sugimoto sourit: « Mon imagination est sans limites. »

 

Hiroshi Sugimoto - Les couleurs de l'ombre 1 - Le carnet de

 

Sur son mur blanc sont apparues les sept couleurs arbitrairement nommées par Newton, mais bien plus encore. Car entre le bleu et le vert, entre le rouge et le jaune existe une infinité de teintes intermédiaires. Goethe, rappelle Sugimoto, avait déjà critiqué l'approche froidement scientifique de Newton, en disant que les couleurs s'adressaient d'abord à nos sens. Lui-même a vu dans la photographie un moyen de capturer la couleur jusque dans ses interstices. «L'art ne sert-il pas à récupérer tout ce qui échappe aux mailles du savoir scientifique ?»

A Tokyo, Hiroshi Sugimoto a couru tous les magasins pour dénicher les trois cents dernières pellicules Polaroid disponibles - la firme qui les fabriquait a fait faillite. Car quoi de mieux pour capturer un phénomène si éphémère qu'un procédé en train de disparaître ? « Le Polaroid a ses propres couleurs, c'est une traduction de la réalité, explique Sugimoto. Mais la perception de l'œil humain aussi est limitée » L’artiste a pris des dizaines d'images. Chacune renferme une petite portion du spectre, où l'on voit chaque couleur basculer insensiblement dans une autre ou venir se perdre dans l'ombre.

Sur le mur de Sugimoto, les couleurs s'évanouissaient chaque jour en un rien de temps. Celles qu'il a fixées sur le Polaroid, support fragile, ne dureront pas beaucoup plus longtemps : dix ans environ. « C'est à peu près le temps qu'il me reste à vivre, sourit Hiroshi Sugimoto. Rien n'est permanent. » Sauf, peut-être, les carrés de soie qu'il a fabriqués à partir de ses images en collaborant avec la maison Hermès, prenant la suite des artistes Josef Albers et Daniel Buren. Cette série limitée, avec ses fondus de couleur, a posé nombre de défis techniques à l'équipe.

 

Hiroshi Sugimoto - Les couleurs de l'ombre 4 - Le carnet de

 

Ces grands foulards translucides seront présentés au Museum der Kulturen, pendant la foire de Bâle. Ils étaient déjà à Paris, dans les bureaux d'Hermès, en mars. Suspendus au plafond, tremblant au moindre courant d'air, ces éclats de couleur changeants semblaient bien porter les échos du fin fond de l'univers. Aussi évidents et fragiles qu'un arc-en-ciel.

Claire Guillot

 

Les-carres-de-soie-Hermes-de-Hiroshi-Sugimoto---Le-carnet.jpg

 

25 février 2012 6 25 /02 /février /2012 11:23

 

Aurora - Jennifer MAESTRE 

 

Lettrine (O oursin)

 

 

 

n ne s’étonnera pas de voir rapprochés dans cet article « l’oursin » de Jennifer Maestre  et l’escarpin de Laura Jacobs. Les deux me semblent jouer habilement du paradoxe séduction/répulsion en télescopant des éléments familiers - crayons de couleur, chaussure - avec quelque chose de menaçant dans le pointu-hérissé. Les deux font peur, mais je ne crois pas indifférent dans cette peur que je sois un homme et que ces deux oeuvres viennent de femmes. Ai-je besoin d’en dire plus ? Oui ? Alors vous verrez peut-être comme moi dans ces deux oeuvres quelque chose de vaginal et surprenant, actualisant d'une drôle de façon l’insondable énigme du désir féminin.

 

Escapin-fakir---Laura-Jacobs.jpg

 

 

Dire là dada - redif du 4 décembre 2008

 

Je n’avais pas plus tôt mis en ligne la photo de cet escarpin clouté qu’elle recevait déjà les commentaires de deux lecteuses, soit cent cinquante pour cent de mon lectorat habituel. C’est dire si cette chaussure de Laura Jacobs intéresse. Certes, en l’isolant à la fois des autres pompes réalisées par l’artiste et de l’ensemble de son œuvre, dans laquelle on trouvera aussi le soutien-gorge à pince de crabe auquel nous invite Netkulture, j’établi un court-circuit un peu injuste avec les autres objets monstrueux chroniqués sur ce blog, raccourci qui passe aussi par le fétichisme pour les groles auquel s’adonne m’a-t-on dit certaine blogueuse de Tours. Mais l’objet présente un intérêt allant bien au-delà de la monomanie de Mélanie. C’est un objet d’une force visuelle rare – force non dénuée de violence – mais qui retient notre attention bien après, bien au-delà de cette accroche immédiate. Qu’on le veuille ou non, cet objet fait penser. Il fait rêver, il fait dire, il fait se souvenir, il fait imaginer, il fait se pencher, il fait se reculer. Il se présente comme réunissant l’inconciliable : la familiarité douillette d’une bête chaussure et certaines abominations auxquelles nous préférons la plupart du temps ne pas penser, parmi lesquelles on trouvera pêle-mêle des vierges de fer et l’orifice buccale de la lamproie marine, qui ont de toute évidence servi de modèle à un tas de cinglés pour moult créatures destinées à nous faire peur, comme Stephen King dans Dreamcatcher, ou comme le Sarlacc, cette créature des sables qui se promettait de digérer tout ce qui tombait de la barge de Jabba le Hutt dans « Le retour du jedi » (Star War épisode VI), lui-même paraissant très inspiré de Shai-Hulud, le vers des sables géant imaginé par Frank Herbert pour Dune.

 

Voilà flairées les pistes un peu fécondes que m’invite à suivre chez moi cette chaussure. Mais d’autres sont ouvertes. Celle des objets fakirs à laquelle nous convie l’une de nos commentatrices, piste déjà balisée de planche à clous, d’oursin mangés avec leur coques et de châtaignes non épluchées. Il en est une autre, que propose à l’évidence notre grole, mais qui perso ne me conduit nulle part, c’est celle du bois. L’artiste a voulu que sa chaussure soit, ou ait l’air d’être en bois (veinures, nœud, couleur…) puis cloutée. On sent intuitivement bien le rapport qu’il peut y avoir entre ce matériau et cette pièce métallique, qu’on associe à la menuiserie, à la charpente, mais sur cette lancée, on perd la chaussure en route non ?

 

Ah mais non. Le sabot. Le sabot clouté. Le sabot de bois clouté pour éviter que sa semelle ne s’use trop vite. Tiens ? Nous tenons peut-être bien là un point d’ancrage de l’inspiration de l’artiste.

 

5 février 2012 7 05 /02 /février /2012 00:50

 

 

 

"Mon travail, c'est de trouver les images de mon époque. Je lis, je tourne les pages, et puis la forme vient."

A.A.

 


 

Lettrine (U Adel Abessemed) Le carnet de Jimidine lectrice (de Tours) va peut-être considérer cet article comme une tentative sournoise d’alimenter la polémique entre design opposé à l’art. Elle se tromperait. Je le jure, croix de bois, croix de fer, si je mens, je vais en enfer, cet article procède comme beaucoup d’autres d’une mienne lecture d’un numéro du Monde Magazine, celui d’août 2011, parvenu dans les toilettes d’ici par le canal habituel : ma Simone de mère.


Toi, je sais pas, mais perso, jusqu’ici, Adel Abdessemed : jamais entendu parler. J’ai passé ma journée à lire et regarder tout ce que j’ai pu trouver sur lui sur le net et au final, j’en reviens à mon point de départ, l’article du Monde Magazine, qui me parait présenter son travail, sa démarche et sa personne d’une façon assez limpide pour te donner l’envie, si le coeur t’en dis, d’aller fouiller un peu plus avant.


Reste le problème des illustrations. Celles de l’article du Monde n’ont pas grand intérêt ici dans la mesure où elles ne donnent pas à voir les oeuvres les plus emblématiques de cet artiste. Autre difficulté qui s’ajoute : pas mal d’oeuvres sont des installations et des vidéos. Qu’on soit donc bien d’accord, les illustrations de cet article n’ont pas la prétention de couvrir l’ensemble de la production de ce jeune artiste - il a quarante ans - mais juste de susciter ta curiosité sans la frustrer tout à fait.


 

Adel Abdessemed - Pluie noire - 2006 - Photo Marc Domage -

 

Pluie noire, des mèches à bois et des forets, monumentaux, en marbre noir, érigés comme une foule de totems. Parmi ce qui concourt à l’impression produite, dans cette pièce mais également dans d’autres, il y a quelque chose qui tient au « culot » matériel et technique. Je ne sais pas qui peut sculpter avec une telle perfection des formes aussi complexes dans du marbre noir mais à elle seule, cette virtuosité (probablement industrielle) impressionne.


 

Adel Abdessemed - Fatalité - 2011 - installation - 7 hand

Fatalité, des micros sur pied, en verre, à partir desquels on pourrait dérouler sans doute pas mal de métaphores, par exemple sur la fragilité de la parole et de l’information. Ou peut-être s’agit-il de montrer que tout ce que touche les médias perd sa substance et devient transparent ?


 

Adel Abdessemed - Head on - 2007-2008 - Le carnet de Jimid

Head on - les circonvolutions cervicales figurées par des néons. C’est le moment de se rappeler que oui, l’activité du cerveau est (en partie) électrique.


 

Adel-Abdessemed---Greve-Mondiale---2011---neon--65x118-cm.jpg

Grève mondiale - encore des néons. Je fais figurer une image de cette pièce, semble-t-il très connue, mais perso, elle ne me parle pas beaucoup.


 

Adel ABDESSEMED - Telle mère tel fils - 2008 - 27-copie-1

Telle mère, tel fils - Trois avions enlacés. Oui, je sais, sur l’image, ils ont l’air de n’être que deux. Très sympa cette pièce. Il n’est pas interdit de penser à une baleine et son petit. D’ailleurs, même si ça n’apparaît pas dans les images que j’ai choisies, l’oeuvre d’Adel Abessemed fait souvent appel à des animaux. Une question, d’ailleurs explicitement formulée par l’artiste au détour d’une vidéo étant : « Cette limite entre l’animal et l’homme, elle est apparue quand ? » J’avoue, j’ai renoncé à mettre en ligne la photo - très tendre d’ailleurs - d’une oeuvre titrée « Lise » où l’on voyait une femme allaiter au sein un petit cochon.


 

Adel Abdessemed -Axe On-2007-154 knives - Le carnet de Jimi

Axe on - 154 couteaux et autres instruments tranchants plantés. C’est à dessein que j’utilise le mot « planté » puisqu’il y a quelque chose de très végétal dans cette installation, comme si, de cette culture là, ne poussaient que des armes blanches.

 

 

 

 

La simplicité déconcertante d’Adel ABDESSEMED - Le Monde Magazine - 20 août 2011

 

Adel Abdessemed est depuis, plusieurs années un artiste très en vue. A 40 ans, il appartient au petit nombre des artistes dont la présence est attendue dans les biennales, à Venise comme à Istanbul ou Sâo Paulo. Le Centre Pompidou lui consacrera une exposition personnelle en octobre 2012. Il est défendu par quelques collectionneurs influents, à commencer par François Pinault, qui lui réserve deux salles dans le cadre d'« Éloge du doute», la nouvelle présentation de sa collection à la Punta della Dogana, à Venise. On s'y heurte à Taxidermy, un cube d'animaux empaillés de l,80 m de côté, monument funèbre si cruel que l'on a l'impression de sentir les corps en décomposition.

La maquette de l'œuvre est là, dans son atelier, abandonnée sur une table très encombrée d'objets, de papiers et d'instruments divers. Pour la réaliser, Abdessemed a découpé des animaux en plastique - des jouets - et les a collés sur un cube. C'est si simple qu'on en est surpris. C'est du reste souvent le cas avec Abdessemed : il trouve des formulations plastiques d'une déconcertante simplicité. Elles en sont d'autant plus efficaces. BlackRain - des mèches pour perceuse agrandies jusqu'à les changer en sculptures de marbre noir - en est la preuve évidente. Practice Zero Tolerance, une voiture calcinée en terre cuite, en est une autre. Ce sont là deux pièces violentes. Comme Taxidermy. Comme les cercles et les corps réalisés en fils de fer barbelé et les carcasses d'avions fracassés. Comme la plupart des créations d'Abdessemed, «Tout est violent pour moi », réplique-t-il.


FUIR LA GUERRE CIVILE

Violent comme sa jeunesse ? On peut le supposer. Abdessemed est né en 1971 à Constantine, en Algérie. « Ma famille était très modeste, mon père flic dans la police criminelle. Nous habitions dans un quartier très populaire. » Son goût pour les arts visuels se manifeste très tôt, de la façon la plus classique, par le dessin. « J'ai toujours dessiné. Puis j'ai peint. A 16 ans, j'ai fait ma première exposition de peintures. J'ai vendu des tableaux. » Suivent naturellement des études d'art à Batna, puis à Alger. « J'ai ru une formation complète. J'ai passé beaucoup de temps à dessiner des plâtres. Nous avions des professeurs venus d'Union soviétique et ils enseignaient ce qu'ils avaient eux-mêmes appris : le réalisme. »

Au début des années 1990, la montée en puissance du Front islamique du salut (FIS) marque le début de la crise politique et religieuse, groupes islamistes contre forces armées. Le départ est alors la seule solution. « J'ai quitté l'Algérie au début des années 1990. Exil ou exode, les deux mots conviennent également. Je suis parti en raison de la guerre civile, tout le monde était mena, tout glissait vers les ténèbres. Je suis allé en France à cause de la langue, mais aussi parce qu'en Alrie, un prêtre français m'a ai. Il m'a mis en rapport avec des religieuses et c'est ainsi que j'ai pu partir. Je suis arrivé à Lyon en 1994. Je quittais tout, comme un sans-papiers. Mais j'avais à peu près 24 ans, j'avais achevé mes études et un certain nombre de choses étaient bien installées en moi. Je ntais pas totalement muni. J'arrivais comme un artiste déjà constitué. J'ai pu me mettre au travail rapidement. »

Si rapidement qu'il réalise, dès 1996, une de ses œuvres encore aujourd'hui les plus marquantes, une vidéo d'une demi-heure. Un homme joue sur sa flûte de la musique traditionnelle. Mais il est nu, entièrement. « Il ne voulait absolument pas, dans un premier temps. Je voulais, moi, aller jusqu'au bout. Quand le film a été fini, je lui ai demandé pourquoi il avait accepté et il m'a répondu: "parce que ctait toi". Je n'abandonne jamais.»

De cette période lyonnaise date aussi un dessin, la première idée pour la vidéo Chrysalide : une femme enveloppée de noir des pieds à la tête. En tirant sur un fil, un jeune homme la met progressivement à nu. La référence à l'islamisme est transparente.

 


AMOUR ET FUREUR

«Après Lyon, je suis venu à Paris », se souvient Abdessemed. Les participations à des expositions collectives ne tardent pas, puis les premières personnelles et les invitations de plus en plus flatteuses, dont celle du très fameux Massachusetts Institute of Technology (MIT). « Ils m'avaient déjà invité quatre ans auparavant. Cette fois, j'ai accepté et nous sommes partis. J'ai fait des workshops au musée de Boston. » Le galeriste new-yorkais David Zwirner s'intéresse à lui. « Comme Julie [son épouse] aimait New York, nous nous y sommes installés. » Mais ils ont décidé, l'an dernier, de revenir à Paris. «C'est ma base. Pas les Etats-Unis. Mon ur est ici, même si nous étions très bien à New York.» Cet amour n'est pas sans fureur, tout au contraire. « La France, il faut savoir comment l'aimer. Mais parfois, elle me révolte. Les Américains, quand il y a un problème, cherchent la solution. Les Français, dans la même situation, cherchent le fautif. J'ai une histoire là-dessus. Un monsieur va chez un psy. "Qu'est- ce qui vous arrive ? lui demande celui-ci. - J'ai l’impression d'avoir des poux et des fourmis sur tout le corps. - Ah, surtout, ne me les refilez pas ! " J'en ai une autre : dans un immeuble, la concierge est enceinte et accouche. Un locataire la félicite et lui demande qui est le père. La concierge lui répond: "Quand je nettoie les escaliers, je ne peux pas me retourner à chaque fois :" Il y a ici un climat d'indifférence ou d'hostilité que je ne supporte pas. Il faudrait que les Français se réveillent avant que l'extrême droite se charge de le faire. » Impitoyable quand il observe les hommes politiques, Abdessemed n'est pas plus conciliant envers les artistes. Avec les Français, d'abord : « Le milieu de l’art français manque de débats, de vraies revues, pas de celles qu'on lit chez le dentiste et qui pratiquent le trafic d'influence. » Il cite des noms, que l'on ne citera pas. Puis évoque l'état de l'art constaté à la Biennale de Venise quelques jours plus tôt :« A Venise, j'ai vu beaucoup de travaux très professionnels qui démontrent que leurs auteurs ont de grandes connaissances. Et après ? A quoi ça sert ? D'accord, ils ont reçu une excellente formation. Magnifique. Mais leurs œuvres manquent de chair. De la technique oui, des références, oui, mais à la fin, il n'y a rien quand même. C'est le danger - le genre Buren. De l'éloquence, mais très réduite. »

Lui travaille avec le quotidien, qui change selon les lieux où il vit. «Le travail est différent selon les villes. Je rois d'elles. Quand je suis revenu en Algérie, j'ai vu le mot "grève" sur tous les murs et ça a donné ma pièce Grève mondiale. A Berlin, j'ai éprou une solitude extraordinaire, à cause de la langue évidemment. Ça s'est vu dans mon travail. »

Le rapport au présent n'est pas moins flagrant pour la voiture calcinée ou les carcasses d'avions. « Il m'arrive de cogiter autour d'une idée, parfois pendant des années, puis je trouve l'image. Une forme matérielle instantanée. Je la vois. Mon travail, c'est de trouver les images de mon époque. Je lis, je tourne les pages. Je suis un terrible tourneur de pages. Et puis, la forme vient. Je ne peux pas dire pourquoi, ni comment. Mais je sais qu'étant un artiste visuel, l'image vient d'abord, le mot après. » De là, sans doute, sa très grande diversité formelle, des vidéos et des photos dont les animaux domestiques ou sauvages sont les protagonistes - le repas féroce du chat, le lâcher de sangliers dans une rue du XVIIe arrondissement - aux installations et, aujourd'hui, aux mappemondes fabriquées avec des débris métalliques de récupération. Commentaire d'Abdessemed : « Je suis un flambeur. Un artiste, c'est un flambeur.»


PROVOCATION

C'est aussi un provocateur. Au moment de s'en aller les yeux retombent sur deux vieilles boîtes de cireurs de chaussures posées au milieu de l'atelier. Pourquoi sont-elles là ?« C'est un projet qui ne s'est pas encore réalisé. Peut-être ne verra-t-il jamais le jour. Un jour, à New York, j'ai rencontré Jeff Koons. Il m'a fait tant de compliments sur mon travail que j'ai eu le sentiment qu'il me cirait les pompes. Alors,je lui ai proposé une petite performance : il me cirerait vraiment les chaussures. Sur le moment, ça l’a fait rire et il a accepté. Je me suis fait envoyer le nécessaire, donc ces boîtes, pour faire la vidéo. Mais depuis, il n'a pas trouvé le temps. Ou il n'en a plus envie ... » Ce qui, du point de vue de la star américaine, pourrait facilement se comprendre.

 

Pour aller plus loin


 

 

Comment travaillez-vous pour créer vos œuvres ?

Kippenberger disait : ne pas avoir un style ce n’est pas mon style. Moi, je travaille, je n’attends pas. Je travaille comme Brecht avec un centre pour l’œuvre, c’est-à-dire que je trie et je crée un centre comme hypnotique. Je suis très rapide mais en même temps l’image elle-même est lente. Il me faut parfois trois ans avant de terminer une pièce. Puis quand je trouve mon axe, tout va très vite. Je peux la partager, je peux me libérer en quelque sorte. Les images sont des prisons intérieures et avec elles on se libère, on élargit nos cages. La métaphore serait le cauchemar. Un cauchemar, c’est humain trop humain. Et comme le dit Baudelaire, les images peuvent parfois frapper fort et sans haine, comme le boucher. Et à travers mon travail, je donne plus que je ne possède. Un artiste donne tout. L’artiste est comme un flambeur, il donne tout ce qu’il a.


Vos voyages ont-ils eu un impact sur votre travail ?

Les cités m’ont toujours influencé. Je suis comme Ulysse de Joyce. A peine installé, je suis déjà désinstallé. Dès que j’ai ma troisième paire de chaussure, je dois partir. J’aime bien quitter mon confort. Je reviens d’un séjour de deux ans à New York qui est une ville extraordinaire avec une immense densité et une des populations les plus belles au monde. Claude Levi-Strauss y est resté très longtemps dans cette ville, il s’est laissé complètement vidé et absorbé. Mais j’ai aussi habité à Berlin. Mon second atelier était la rue, la rue Mitte. A Paris, la rue avec laquelle j’ai travaillé était la rue Lemercier. Et à New York, c’était la Belfort Street. Je suis comme un détective qui recueille les preuves d’un crime.


Comment donnez-vous des titres à vos œuvres, par exemple pour Habibi que vous exposez à nouveau à Parasol ?

A l’époque, j’étais à New York et j’écoutais une chanson de Ferouz. Et Habibi, c’est une pièce joyeuse. J’ai toujours les images et le titre vient après. Le titre, c’est comme escalader une montagne pour accrocher une image, pour la tenir.


Une pièce importante, Taxidermia a été montrée à la FIAC. A quoi renvoit cette pièce ?

Pour Taxidermia, je voulais au départ l’appeler décor. Dans les maisons bourgeoises, on trouve ces têtes de sanglier accrochées au mur. J’ai fait un cube avec des animaux empaillés. Le sens s’en trouve déplacé, et la pièce devient un décor d’un autre genre.


Comment la mort et la violence traversent-t-elles votre oeuvre ?

L’innocence est violente, dormir, c’est violent, enfanter l’est aussi. Je ne connais pas quelque chose qui ne soit pas violent, sauf mon âme. Je dis toujours, il faut naitre, aimer, penser et mourir. Dans mon travail, la mort comme culpabilité n’est pas mon sujet. Il n’y a rien de négatif au contraire de ce que produit un art chrétien. Panovsky a d’ailleurs écrit un très bel essai autour de la douleur associée à la mort.Pour moi, la mort peut être comme un chemin, et l’éternité, c’est la maison. Les chemins ramène à la maison et vis versa. Et la question serait plutôt : qu’est-ce qui est le plus difficile, la mort ou l’éternité ?

 

  • Ne loupez pas non plus la très exhaustive compile de Zighcult, datée du 30 avril 2007, rassemblant tout ce qu’on trouvait comme articles en français sur Adel Abdessemed, mais jusqu’en 2007, pas au-delà.

 


27 janvier 2012 5 27 /01 /janvier /2012 15:00

 

Kyle-Bean---Soft-guerrilla---Le-carnet-de-Jimidi.jpg

 

 

Lettrine--D-3D--Le-carnet-de-Jimidi.jpg

 

 

 

e temps en temps, je vais rendre une petite visite aux artistes déjà chroniqués sur cet ici-carnet, pour voir où ils en sont. Kyle Bean : loin. J’en ai déjà parlé ici, mais dans ses travaux récents, deux méritent le détour, l’un que chériront tout particulièrement les menuisiers accrocs de l’iPhone, mais perso, je préfère l’autre, titrée « Soft guerilla », d’où j’ai extrait l’illustration de cet entrefilet. Vous irez donc voir son portfolio, dare-dare, puis vous pourrez lire ce que j’en disais en juin 2009, ce qui ne te rajeunit pas.

23 janvier 2012 1 23 /01 /janvier /2012 00:09

 

 

  Jardin-d-addiction---CBMP--Christophe-Berdaguer---Marie-P.jpg

 

 

 

Fascinant, dans sa lumineuse malveillance, ce « Jardin d'addiction », montré à la FIAC de Paris et dont le numéro daté du 22 octobre 2011 du magasine M du Monde, nous présente ainsi les deux artistes : 

 

Christophe Berdaguer et Marie Péjus - Sombres utopistes

Leurs œuvres pourraient sortir tout droit d'une science-fiction de J. G. Ballard. Elles prédisent un monde d'inquiétude, intoxiqué de design, fourmillant d'addictions. Portées par une esthétique qui s'empare du high-tech pour le retourner comme une peau, elles cristallisent les angoisses d'aujourd'hui sous des allures souvent futuristes. Voilà plus de quinze ans que Christophe Berdaguer et Marie Péjus déjouent les travers de l'architecture et du design contemporain, pour les emporter vers un conte qui vire souvent au cauchemar. Ainsi des Maisons qui meurent, qui ont fait connaître ce duo marseillais, avec leurs murs en béton de sucre qui s'effrite; ou de leur série Psycho Architecture, dessinée à partir des névroses de leurs habitants, et qui leur répondent en réagissant physiquement à leurs humeurs. Autant « d'utopies négatives », qui composent un monde glaçant. Proclamant une efficience absurde, leurs œuvres jouent à fond l'effet placebo. Une fontaine de Lexomil sourd du sol, sans que l'on sache si qui s'y désaltère oublie aussitôt son stress. « L'avenir appartient aux fantômes », écrivait le philosophe Derrida. Ces ultra-rationalistes l'ont entendu, comme en témoignent leurs récents projets. A commencer par l'exposition collective qu'ils organisent cet automne au centre d'art contemporain-la synagogue de Delme, en Lorraine, autour des fantômes de l'architecture. Manière d'annoncer la commande publique que ce lieu leur a passée : une structure qui prolonge le bâtiment, s'emparant notamment de sa chambre funéraire, ancienne prison, ancienne école, pour faire « remonter ses fantômes : comme si le blanc de la synagogue surgissait par les sous-sols sous la forme d'un voile et sortait de l'espace par tous les trous, jusqu'à créer des excroissances à l'extérieur, coins et recoins pour le public ». Dans le cadre de leur collaboration à la FIAC avec la Galerieofmarseille, ils dévoilent plusieurs pièces inspirées par Houdini, le roi de l'évasion. Notamment le code secret qu'il a confié à sa tendre et chère pour communiquer après sa mort, de l'au-delà. « Ce qui nous a plu, c'est qu'il a combattu toute sa vie les spirites, utilisant ses talents pour dénoncer leurs arnaques. Mais juste avant sa mort, il laisse ce code à sa femme : "Rosebelle, believe. On ne sait jamais, au cas où ... " »  M Le magasine du Monde 22 octobre 2011

 

L’oeuvre [ le jardin des addictions ] est conçue par les artistes Christophe Berdaguer et Marie Péjus et réalisée au Centre international de recherche sur le verre et les arts plastiques de Marseille (Cirva). Évoquant à la fois un monde végétal et animal, le dispositif oscille entre étrangeté et fascination. L’enchevêtrement de fines tiges qui vient parasiter l’intérieur du jardin renvoie au réseau complexe des neurones du cerveau. Chacune de ces synapses diffuse l’odeur d’une substance addictive pouvant générer chez le visiteur une information olfactive oscillant entre désir et manque… Sortir en Provence

 

Les parfums qui émanent de la plante sont modélisés [ par le parfumeur Les Christoph ] à partir des odeurs de différentes substances (alcool, cocaïne, herbe, opium...) toutes responsables d'un état de dépendance chez l'homme. Site des deux artistes (où l’on peut voir d’autres oeuvres.)

 

 

3 juin 2011 5 03 /06 /juin /2011 08:14

 

 

Clemence-Joly---La-boucherie-de-laine---Toute-la-viande.jpg  

    Lettrine--V-viande-.jpgous me direz, après avoir vu Cal Lane transformer brouettes et bidons de tôle en dentelle, on ne va pas s’étonner que Clémence Joly tricote des côtelettes et des saucissons. Eh bien si, on s’étonne et on s’étonne même agréablement. Ceci dit, à part le côté « ouvrage de dame » et le fait que les deux nous aient été présentées sur Netkulture peut-être n’ont-elles aucun autre point commun ? Si, un autre : ce qu’elles font est drôle. Pas seulement drôle, mais au premier abord : drôle. Ah ! Puis se sont des femmes aussi.

 

Comme vous le constaterez en visitant le site de Clémence Joly, elle n’en est pas à son tricot d’essai. Il semble même que cet étal de boucherie lui ait été commandé par une mercerie de Londres. Elle avait déjà eu l’occasion de tricoter des trucs qui se mangent pour la vitrine d’une nouvelle boutique New Look à Lyon. Vous trouverez également sur son site quelques lignes d’intention, excessivement scolaires, auxquelles on pardonnera les énormes fautes d’orthographe et de syntaxe, dont j’ai essayé de débarrasser la version ci-dessous. Mais d’ailleurs, hop, comme ça se sera fait, que ce soit dit une bonne fois pour toutes : à Clémence Joly, on pardonnera tout, inconditionnellement.

 

 

Nous sommes entourés de produits de consommation d'origine animale. Que ce soit pour nos assiettes, nos garde-robes, médicaments ou meubles, les animaux sont une source incroyable pour nos besoins.
Etant donné mon intérêt pour l'esthétique de la mode et l'industrie de la viande, j'ai exploré les deux domaines et le paradoxe d'un morceau de tissu étant égal en importance à un morceau de viande. Alors que l'un est associé au glamour, l'autre est associé au sang et aux tripes.
Les deux représentent notre consommation quotidienne car nous avons besoin de l'industrie de la viande pour nous nourrir et de l'industrie de la mode pour nous vêtir. J'ai joué avec les outils et techniques de ces deux univers pour créer des hybrides amusant et artisanaux qui allient aussi bien l'esthétique d'un comptoir de boucherie qu'un podium de défilé de mode.

C. J.

 

Au secours ! Heureusement que le talent et la sensibilité de cette (sans doute très jeune) artiste se manifestent beaucoup plus clairement dans ce qu’elle réalise que dans ce qu’elle écrit. Ce qui me touche infiniment dans cette boucherie de laine, c’est qu’il semble bien – aussi incroyable que cette hypothèse (gratuite) puisse paraître – que ce qui rapproche la viande et le tricot échappe très largement à l’artiste elle-même. Il y a quelque chose, là. Elle semble ne pas savoir quoi, juste que les deux domaines l’intéressent. Alors elle les rapproche et il se passe quelque chose. Du moins dans les objets tricotés. À mon avis beaucoup moins dans sa robe en papier de boucher. Ce moment de la recherche est très intéressant. On peut passer une vie d’artiste à tourner autour du pot central personnel, qu’on devine, dont on pourrait dire précisément à quelle distance en est encore chaque œuvre, celle là plus près, celle là trop loin. On peut se perdre en route, sombrer dans la technique, ou dans le rabâchage. On peut désespérer d’y arriver, ou même craindre d’y parvenir. Ne se perdrait-on pas encore plus sûrement en trouvant enfin l’objet de notre quête ? Que resterait-il alors de nous si nous n’avions plus rien à chercher ?

 

Clémence Joly n’en est pas là. Elle en est même heureusement très loin. Elle tricote (au crochet) des rôtis, des tranches de jambon, des saucissons et des côtelettes parce qu’il y a quelque chose, là. Elle y va.

 

Mais moi qui ne tricote pas – ou plus exactement, plus – moi que les étals de boucherie font à la fois frémir et saliver, moi qui essaye de faire marcher ma tête, mon cœur et mes mots ensemble, je peux essayer de dire, sans aller chercher très loin d’ailleurs, simplement : L’habit, c’est ce qui enveloppe notre carcasse. C’est une réflexion sur l’épiderme à laquelle me conduit ce travail. Ce qui se passe dans la boucherie de laine se passe entre la viande crue et le tricot qui emmaillote, entre ce qui est mis à nu et douillettement emmitouflé. On se souviendra au passage d’où vient exactement la laine. Tricoter de la viande rapproche alors de façon saisissante le dedans du dehors, le profond du superficiel, le trivial du sophistiqué, mais sans annuler ces oppositions, juste en les tricotant ensemble.

 

Perso, c’est bien parce que ça me parle de ça que je marche, sinon, ce serait juste un gag de plus ou un énième exemple de ces artistes se damnant en professant qu’on peut tout faire avec des capsules de bière, ou du fil de fer, ou n’importe quelle technique avec laquelle ils aligneront des réalisations, parfois spectaculaires, mais n’ayant rien à dire, juste chargées de nous assommer de savoir faire.

 

Clémence Joly trouvera-t-elle ce qu’elle a à nous dire ? On verra. Si les petits cochons ne la mangent pas.

 

Jimidi

 

 

 

 

 

 

 

 

19 avril 2011 2 19 /04 /avril /2011 22:45

 

Richard-Dunbrack---Horloges---Le-carnet-de-Jimidi.jpg

 

 

À propos de Richard Dunbrack, dont l'infatigable Netkulture nous présentait le travail en  ce 6 juillet 2009, on pourrait se demander s’il propose des armoires, des horloges ou des sculptures. Mais ces précisions n’auraient pas vraiment d’importance, vu que ses meubles-œuvres apportent massivement avec eux un univers dont on sent bien qu’il est aux antipodes d’Ikéa et des références habituelles en matière de mobilier.

 

Le premier abord des horloges-sculptures-armoires de Richard Dunbrack est plutôt sympathique et j’ai cédé en les découvrant à un mouvement d’adhésion spontané, sur le mode : « Tiens ? Marrant ! » Mais au deuxième ras-bord, j’ai versé dans un scepticisme pas loin du rejet, le même qu’envers Disneyland et je le crains, pour les mêmes raisons. Je ne sais pas encore exactement où m’emporte cette chronique, mais j’ai bien peur que Richard Dunbrack en fasse les frais après m’être trouvé injuste avec lui puisque je sens bien que je vais régler des compte ouverts chez d’autres, de longue date.

 

On peut avancer sans grand risque de se tromper que Richard Dunbrack a dû entendre mille fois : « Ohhh ! On le/la/les dirait sortis d’un film ! » Je n’ai rien contre ce qui sort des films, ni des livres, c’est quand on me propose de ne pas en sortir et de m’y enfermer, que je sens poindre le malaise. Je peux me tromper, mais il me semble qu’un des grands charmes de la fiction se trouve dans ses différences avec le réel. C’est un écart qui n’est pas nécessairement large et sur lequel elle peut d’ailleurs jouer, en prétendant qu’il est nul. Il doit y avoir un mot pour ça. Il m’échappe. Ce mot dirait qu’on sait, qu’on a besoin de savoir quand est-ce que c’est réel et quand ça ne l’est pas, quand est-ce qu’on est « dedans » et quand est-ce que qu’on est « dehors ». Ce n’est pas incompatible avec notre faculté de jouer le jeu de la fiction quand on  y est immergé ; d’y croire complètement. Je dirais même, au contraire.

Or les tentatives sont nombreuses pour nous faire croire que le réel n’est jamais qu’une histoire et un décor comme un autre et que là aussi, tout va toujours bien se terminer. Les tentatives pour fictionner le réel, on est bien placé en France pour les apprécier puisqu’une majorité d’électeur a pris comme personnage principal du feuilleton de la Vème république, un illusionniste capable à la fois de nous bercer d’illusion et de nous endormir en nous racontant de belles histoires. Le mensonge, car s’en est un, est de vouloir nous faire croire que les fictions se valent et que l’Histoire, la vraie, ne tient qu’à la façon de la raconter. Un mensonge voisin voudrait que la fiction et pendant qu’on y est la littérature, et hop, l’art, et boum, toute la culture n’ait pour seule fonction que de nous divertir, de nous faire nous évader, d’oublier. Mais oublier, ce n’est pas se faire de faux souvenir et nous évader, si c’est pour changer de taule, non merci !

 

Tiens, elle est peut-être là, l’irréductible frontière entre l’art et la soupe : l’un attise la faim de penser, la soif de savoir, la curiosité, il redresse et met en mouvement, l’autre gave et repaît jusqu’à la satiété, nous endort, nous allonge, nous souhaite « de beaux rêves », ceux dont on voudrait ne jamais s’éveiller. Mais ne plus jamais se réveiller, ne plus jamais être vraiment là, ça port un nom, et même plusieurs : la matrice, le tombeau, l’illusion permanente, la folie…

 

Ça y est ? Je me suis emballé ? J’ai largué Richard Dunbrack ? Ah oui, tiens, il est resté vingt lignes plus haut. J’ai peur d’un intérieur qui serait à l’image de ce qu’il propose. Peur comme me font peur ces chambres de petite fille où tout est rose, peur qu’on finisse tous figurants dans un parc à thème, qu’on pourrait appeler, ha ha, « Nerverland ».

 

 

Figurants de parcsPieter-GIJSELS--1621-1690--Anvers---Paysage-d-ete.jpg à thème II

 

 

C’est encore tout énervé par ma chronique «Figurants de parc à thème » que je suis tombé chez Martin Lothar et son manuel de survie sur ce tableau de Pieter GIJSELS (1621-1690, Anvers) titré : « Paysage d’été », mais que perso, j’aurais intitulé : « Oh chéri regarde : des gueux ! »

 

Ça va être le tour de Pierter d’en prendre injustement pour son grade, mais, bile échauffée ou non, je trouve sa campagne d’été proprette. Y’a rien qui dépasse et surtout pas la mauvaise herbe de la lutte des classes. C’est une campagne de carte postale, qui préfigure celle de Marie Antoinette : Prise de passion pour le Petit Trianon, la Reine Marie-Antoinette y fit créer (dans les années 1780) un véritable hameau avec tous les bâtiments d’une ferme modèle : chaumières, colombier, moulin et une laiterie. Loin des rumeurs de la Cour, elle peut y jouer à la fermière, entourée d’amis proches, telle la duchesse de Polignac ; la reine et ses amies jouent les bergères, vêtues de toilettes légères, blanches de préférence et coiffées de capelines fleuries. Venus de Suisse, des petits troupeaux de vaches et de moutons égaient les pelouses ; les moutons ont le cou orné d’un noeud de satin.

 

C’est donc bien à une mise en scène, à une représentation de la campagne à laquelle nous assistons en regardant ce tableau. Ça me parait particulièrement évident avec l’histoire qui nous est racontée à droite : « La campagne ? Tu attends que les fruits de l’arbre en face de chez toi soient murs, puis tu n’as plus qu’à les récolter à pleins paniers pour les vendre aux gens qui passent. En plus, tu peux en donner à bouffer aux gamins, c’est pratique. »

 

On cherchera en vain à identifier l’arbre en question. On remarquera juste que toute personne sensée, si elle voulait en récolter les fruits, ne l’aurait pas laissé pousser au point qu’il ne tienne même plus dans le tableau. Le reste est à l’avenant. C’est dire qu’entre la campagne et l’idée de campagne à l’usage de ceux pour qui elle n’est supportable que l’été quand il ne pleut pas, y’a un monde.

 

Aux lecteurs de cette chronique, qui auraient sur l’agriculture et l’élevage la tête encore joliment plantée de potagers et toute bruissante de basse-cour, on conseillera la série « Notre pain quotidien » filmant sans aucun commentaire et sans agressivité particulière d’ailleurs, les conditions de production de notre bouffe actuelle, celle que vous et moi achetons en grandes surfaces. J’ai encore en tête un aspirateur à poulets vivants, des tapis roulants charriant des flots de poussins traités comme de la matière première et le regard fou d’un bœuf qui allait mourir et le savait.

 

 

 

17 avril 2011 7 17 /04 /avril /2011 07:40

 

jet-bike.jpg

 

 

 

Lettrine-Jet-bike.jpgien sûr que j’attends quelque chose comme ce « Jet Bike » avec impatience !  Je m’y vois déjà : je sors mon jet-bike dessiné par Norio Fujikawa du garage, un coup de démarreur et hop, c’est parti pour une petite balade au-dessus des nuages. Whaooou !  

 

Mais ça, c’est ce qu’on verrait dans le spot de pub sur la télé 3D, parce qu’en vrai, dans le garage, faudrait déjà écarter le tricycle du deuxième et la poussette anti-gravité de la petite dernière pour sortir l’engin en slalomant parmi les sky-skates de leur frère. Jamais compris pourquoi il lui en fallait plusieurs douzaines. Pourrait les ranger dans sa cham… Ah ben non, elle est déjà pleine.

 

Et bien sûr, arrivé au-dessus des cumulo-nimbus : panne sèche. Elle n’aura pas eu le temps de refaire le plein de kryptonite après ses deux trois petites courses. Elle m’en a parlé, mais je n’écoute jamais. Je n’aurais plus qu’à attendre des plombes à me geler les boulons dans ce putain de nuage jusqu’à ce qu’on vienne me chercher.

 

Ou alors, j’aurais rêvé depuis mon enfance de ce modèle, dans les premiers jet-bike sortis. J’aurais patiemment économisé des dizaines d’années sur la monnaie du pain, raté le permis de vol la première fois à cause de cette putain de question sur les overdrive pour finalement, enfin l’avoir, mon Jet bike rouge. Mais là, je suis coincé  à cinq mille pieds dans les embouteillages bi-quotidiens, entre deux Jet-bike dernière génération dont les conducteurs me regardent de haut avec commisération. L’un d’entre eux se cure le nez.

 

Ou alors, je suis à la maison, avec mes songes creux, flirtant vaguement avec l’idée qu’un engin comme celui-là, ou un autre, pourrait enfin me sortir de chez moi, alors qu’une simple paire de chaussure de marche ou un vélo feraient aussi bien l’affaire.

 

Mais un jet-bike, quand même !..

 

28 mars 2011 1 28 /03 /mars /2011 20:31

 

Carte pop up - Le carnet de Jimidi

 

 

Lettrine (D rockwell pop up) le carnet de Jiidi

ans la mode actuelle pour la 3D, les « pop up » ou livres animés, viennent nous rappeler que le relief et le mouvement ne datent pas d’hier dans les albums pour enfants. On pourrait alors se demander qui, de la nostalgie, ou du baroud d’honneur du livre papier, nous vaut d’assister à la magnifique prolifération actuelle de ces livres dont les pages s’affranchissent de leurs deux dimensions habituelles ?

 

Qu’importe. Les résultats témoignent d’une imagination et d’une inventivité bien réjouissantes, comme le montre la vidéo « Pop ups ! There’re not just for kids ! » sur « Marieaunet », blog hautement recommandable, comme vous le savez déjà.

 

Voir aussi le livre « ABC 3D » de Marion Bataille

Illustration : carte pop up en vente sur Mamzelle Titoo aime les bijoux

 

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