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18 mars 2015 3 18 /03 /mars /2015 22:39
J'ai vu "Timbuktu"

Je suis encore tout encombré du très encombrant « Timbuktu ». Rentre dans aucune case, ce machin là. Je ne dirai pas qu’il s’agit d’un film réussi : n’affichant pas son ambition, son projet (en a-t-il un?) son horizon, comment dire s’il l’atteint, ou s’il le rate?

Attention, si tu n’as pas vu le film mais que tu comptes le voir, cet article le raconte en grande partie et en petits morceaux.

Il n’y a pas d’histoire et pourtant, elle se termine mal. C’est à dire que dans les nombreux parti-pris du film, l’un consiste à passer la narration à la moulinette. Parfois le film raconte, parfois il montre sans raconter. Quand il raconte, parfois c’est suivi, parfois haché, parfois c’est bref, parfois c’est plus long. On s’attache ainsi à une famille Touareg, mais tout le film n’est pas là. Quand ça montre plutôt que de raconter, ça montre soit des personnages, mais en dehors de leur histoire – le personnage de « la folle » apparaît exemplaire, de ce point de vue – soit des scènes, où l’on voit des gens inscrit ni dans la narration, ni dans leur histoire, ni dans un personnage. Ce ne sont pas les scènes les moins réussies. On voit par exemple un type danser, seul. On est au domicile de La Folle, mais elle n’interagit pas et si l’on voulait savoir ce qui les lie ou ce pourquoi il danse, on en sera pour ses frais. Très dansée également, la scène du match de foot sans ballon.

C’est décidé, je n’irai plus (seul) à la séance de 18h45 en semaine. Moyenne d’âge, la bonne soixantaine, deux tiers mémé, un tiers papy. Tu dis ? Dont moi ? C’est vrai. Ma voisine ne sentait pas très bon. J’ai cru un moment que j’allais me retrouver avec des bouts de poumons collé à la calvitie quand mon voisin de derrière s’est trouvé aux prises avec une quinte de toux tenace. La salle ne portait pas le film. Personne n’y a rien y compris, moi.

N’espère donc pas une critique linéaire, documentée et discursive. Nan ! Je vais faire dans le fragmentaire, hérissé et entremêlé. Nooon mais. Moi aussi, je peux le faire.

Le film s’ouvre sur la fuite éperdue d’une gazelle, gracieuse, légère, très belle, poursuivie par des djihadistes en 4x4, armés, défouraillant, lancée à sa poursuite pour, je cite « la fatiguer ». On ne saura pas s’il s’agit, au final, de la tuer pour la bouffer, ou d’un jeu cruel, ou d’autre chose. Le film se clos sur la fuite éperdue d’une très jeune fille, gracieuse, légère, très belle, poursuivie par le désespoir d’être désormais orpheline. C’est quoi l’idée ? On sait que poursuivre une proie, tranquillement, en pariant sur sa fatigue, puis son épuisement, est une stratégie efficace pour les prédateurs. Quand la gazelle est à bout de course, hop, tu la rattrapes et crac. Le salut n’est donc pas dans la fuite. Il n’est d’ailleurs nulle part dans « Timbuktu ». Il n’est pas dans la résistance tranquille de la poissonnière qui refuse de porter des gants, au motif - d’ailleurs incompréhensible - qu’avec, elle ne pourrait pas arroser ses poissons. Elle devrait essayer les Mapa, elle en serait contente. On la verra plus tard, souhaitant partir. Pas d’espoir non plus dans la résistance tranquille de cette chanteuse, prise en flagrant délit de musique chez elle, avec deux potes instrumentistes. Quarante coups de ceinture. Elle est d’ailleurs seule à les recevoir. Elle a beau chanter héroïquement sous les coups, je doute qu’elle recommence de sitôt. Pas de salut du côté des convictions. Une scène présente un jeune et récent djihadiste, invité à enregistrer un message vidéo, on le suppose à des fins de propagande. Il s’embrouille, s’emmêle. Le preneur de vue lui explique comment se tenir, comment regarder pour qu’on y croit. Autrement dit, les convictions, coco, c’est une posture. Pas de salut non plus du côté des footballeurs privés de ballon. Leur mime de match fait de la bonne image mais je doute que l’exercice ait quelque intérêt pour eux à la longue. Pas de salut non plus du côté de l’islam modéré. On voit un imam virer deux djihadistes de sa mosquée en leur rappelant qu’on n’entre pas chaussé et armé dans un lieu de prière, mais on voit le même intercéder dans une affaire de mariage forcé, en pure perte : « Non non, la fille était mariable, le type la voulait et c’est quelqu’un de bien, tout ça est parfaitement légal. Va jouer. » Le salut n’est pas plus dans les armes : notre bien attachant touareg quitte sa dune de sable et le confortable abri de toile de ses vacances perpétuelles pour régler un différent – sa vache a bousillé les filets d’un pêcheur, le pêcheur a tué sa vache – Il a pris un pistolet. Le coup part accidentellement. Il finit condamné à mort à l’issue d’une procédure dont on ne saisit d’ailleurs pas les tenants et aboutissants. Et donc, le salut n’est pas non plus dans la justice des hommes : à la suite de cet homicide en partie accidentel, le prix du sang est fixé à 40 vaches (le coupable en 7 d’avance) mais on ne saura pas s’il doit s’en acquitter en une fois ou si une vache par an ça pourrait le faire. On croit comprendre qu’une étape importante de la procédure serait que la mère de la victime pardonne. Elle ne le fait pas (comment le pourrait-elle ?) L’aurait-elle fait, que se passerait-il ? On ne sait pas, mais de toutes façon, une justice qui subordonne ses décisions à l’arbitrage des victimes... On ne voit pas bien comment ça pourrait marcher. Pas de salut non plus dans l’amour. La femme de notre héros en pointillé préférera mourir avec lui plutôt que de rester vivante pour sa fille.

Faut-il voir dans « Timbuktu » une sorte de reportage de guerre sur la bataille éternelle d’Éros contre Thanatos, autrement dit de la vie contre la mort ? Nous montrerait-on qu’au final, l’ennemi des djihadistes, c’est la vie même (et donc, tout particulièrement les femmes) ? Y’a de ça. Mais au Nord-Mali, et dans « Timbuktu » au moins, c’est Thanatos qui gagne et on ne voit pas comment l’empêcher. Hollande aurait dû visionner le film avant de décider en janvier 2013 d’envoyer des soldats là bas : on serait resté chez nous.

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