arrant ça : on ne trouve pas grand-chose sur Don Eddy. Ses bios riquiqui nous apprennent qu’il est né en 1944 en Californie, où il vit encore. On apprend également qu’il est converti au bouddhisme, ce dont on pourrait se foutre complètement, si ce n’est que les rares commentateurs - qui se recopient volontiers entre eux - semblent établir un lien entre la démarche spirituelle de l’artiste et son attention portée à chaque chose, dans chacun de ses détails. Admettons.
Perso, j’avais découvert Don Eddy à l’occasion d’une précédente note sur Roberto Bernardi - Peintre photoréaliste - où j’avais élargi mon propos à d’autres peintres, dont Don. J’y repensais en évoquant avec Mélanie la malédiction photoréaliste frappant ce carnet. Elle m’engageait à ne pas lutter, à suivre la pente, à me laisser aller à la gravité. « C’est ton karma » ajoutait-elle entre deux gorgées de Don (Pérignon). Mais avant de me sentir devenir jusqu’au-boudhisme, je l’ai laissé sous les ors ternis de sa préfecture pour rentrer à pied.
Mais très heureusement, dans ce relatif désert, au sein duquel le site de la galerie de Nancy Hoffman, pourtant chargée des intérêts de l’artiste, ne fait guère figure d’oasis, le site de Don Eddy présente une quasi encyclopédie de ses oeuvres, très heureusement classées par tranches chronologiques : 67-72, puis 73-1990, 91-2004 puis 2005 à 2006 et enfin « Recent painting » soit au total 155 oeuvres : largement de quoi se faire une idée.
Don Eddy semble démentir l’adage selon lequel, pour un peintre, les soixante premières années sont les plus difficiles. Ses toutes premières oeuvres témoignent d’une inspiration plutôt surréaliste, mais qu’il abandonne assez vite pour verser dans un hyperréalisme où son hallucinante maîtrise technique lui permet semble-t-il de s’épanouir. Ses sujets sont alors volontiers automobiles, avec une prédilections pour la « Coccinelle VW » qu’il peint dans tous ses états. Puis il se passe quelque chose de très intéressant avec l’irruption de la réflexion, comme si le peintre avait réalisé que les vitrines - à commencer par celles des concessionnaires auto - offraient une possibilité de « tableau dans le tableau » ou plutôt de représenter sur la même surface le dehors et le dedans, les voitures exposées et celles garées devant le magasin.
Puis Don Eddy semble se faire bouffer par la vitrine ou, pour utiliser une image plus poétique, franchir le miroir et se perdre. Ce doit être un moment assez terrible, celui où l’on réalise que sa virtuosité permet de tout représenter, que rien n’est trop compliqué pour sa technique. Peut-être faut-il voir alors dans les vitrines de verres et les vitrines de jouets une sorte de défi lancé au peintre par lui-même ? On sent dans ces oeuvres quelque chose d’ultime, d’incroyablement habile mais en même temps d’une grande aridité. C’est parfait, mais en même temps quasi pénible à regarder.
On repère très bien comment s’est effectué le passage à la période suivante. Dans la vitrine, le peintre a fait figurer des légumes à la place des jouets, ce qui est en soi une bonne idée, les uns et les autres présentant des formes rondes, des couleurs vives, un aspect vernissé. Puis les légumes sont peints pour eux-mêmes, sans rayonnage et j’ai l’impression que par eux, Don Eddy retrouve un lien avec le vivant, la nature. C’en est fini des villes, des automobiles et des vitrines. Les toiles suivantes font appel à des éléments végétaux, des paysages, de l’eau, des nuages et ses dernières oeuvres consistent en de bien intéressants assemblages de plusieurs toiles, composant des scènes dont on sent bien qu’un discours justifie leur coexistence, mais sans que celui-ci soit très explicite, même si on sent des préoccupations humanistes, environnementales et quelque chose de new âge dans la glorification d’une nature où l’homme se fait discret.
Ce n’est pas la période que je préfère. Je sens là une volonté de faire « joli » dont les résultats me paraissent un peu trop décoratifs. J’aime mieux les sujet urbains, les voitures et tout particulièrement les oeuvres peintes par Don Eddy entre 1970 et 1974, quand il mélange objets et reflets dans les vitrine, même (ou surtout ?) parce qu’elles annoncent l’impasse dans laquelle le peintre va s’engager pour plus de dix ans.
Illustrations : Toutes ont été extraites du site du peintre.