Une nouvelle fois, il faut bien me rendre à cette évidence : je ne sais pas du tout quelle tronche va avoir ce billet à l'arrivée... Vais-je avoir droit, de nouveau, à cette réflexion de Mélanie (de Tour), je cite : « Vous avez encore voulu faire votre intéressant. » ? (Celle là, elle a de la chance de ne pas exister vraiment ; parfois, je prendrais volontiers un train pour aller lui flanquer des baffes.) Situons tout de suite le propos – je m'en voudrais d'empiéter sur ton temps de baignade – ce billet est à ranger dans la catégorie « réflexion sur les blogs », au côté d'autres, à commencer par celui de Belette du 17 juillet dernier, titré « C'est complètement dingue ». D'ailleurs, le plus simple serait que tu commences par aller le lire, oui, en cliquant sur le lien, c'est bien, ça te fournirait un prétexte pour éviter de lire la suite, ici, d'autant que tu trouveras également, là-bas, des trucs archi-savoureux comme « Les meilleures patisseries de Paris », bien plus de saison et quantité d'articles désopilants, également de saison : il vaut mieux être désopilé sur la plage.
Mais au cas où la canicule aurait liquéfié ta souris, tu trouvera ci-dessous de larges extraits de cet article, sur lequel je comptais appuyer mon propos. J'ai délibérément outrepassé mon droit de citation en virant les sauts de ligne de l'original et en rajoutant deux ou trois signes de ponctuation. C'est pour renforcer le décalage né de la lecture des mêmes mots à un autre endroit, dans un autre contexte. Ça ne sert probablement à rien, mais ça m'amuse, quelque soit les textes que je rapporte ici : chansons, articles du Monde Magasine, prospectus... Mais qu'on soit bien d'accord : je compte AJOUTER mon expérience perso à celle dont témoigne Belette, cette expérience étant pour partie la même, pour partie différente. Bref, c'est à la lumière de son article que j'écris le mien.
[Tenir un blog ] C'est s'entendre dire, au moindre micro-événement un tantinet dingue/drôle/étrange/révoltant, "Ah bah ça fera un billet pour ton blog". C'est se dire à chaque émotion exacerbée du quotidien (quelqu'un a fini le cookie que je m'étais gardé, mon conseiller Groupama s'est foutu de ma gueule, j'ai bafouillé devant la maîtresse de ma fille), "Ah bah ça fera un billet pour mon blog". C'est avoir des gens qui lisent ces émotions transformées en textes. Et ça, c'est complètement étonnant.Parce que le blog génère un effet boomerang augmenté, autrement dit mon émotion me revient dans la gueule mais sous une forme différente, plus légère, plus positive, plus gérable par mon esprit déjà fort encombré de conneries qui n'ont rien à faire là. Schématiquement : MOI (l'angoissée de service), je vis un truc que tout le monde vit, mais moi, j'en fais tout un plat. Ce truc vécu me fait émettre une émotion (je fais ça tout le temps) (c'est saoulant). L'EMOTION EMISE est belettisée puis envoyée aux lecteurs. Les lecteurs reçoivent l'émotion (pour la recevoir, ils ont préalablement cliqué sur "recevoir une émotion de la Belette"). Les lecteurs captent le degré de belettisation, font gnagna gna-gna gna dans leur tête (c'est de la phonétique) puis me renvoient mon émotion en me disant qu'ils la comprennent, que j'ai grave raison, que le mec de Groupama est un con et que putain eux aussi auraient pu tuer pour le cookie dérobé.
Parfois, bien sûr, des visiteurs débarquent malencontreusement sur mon blog (ils ont tapé "ontologique" et ne pensaient pas tomber sur un billet se demandant si Louis XIV était un it boy), ils n'ont pas du tout cherché à recevoir une émotion belettienne dans la tronche. Alors, ils s'offusquent, ou sont consternés (ya une meuf, là, sur Internet, elle raconte sa life c'est hallucinant ce qu'on s'en fout, putain ya vraiment de tout dans les blogs). Et ils passent à autre chose, pour ma plus grande satisfaction, ils ne prennent pas la peine de dire le fond de leur pensée.
Pour les autres, ceux qui me permettent de dire non sans une certaine puanteur "Mes lecteurs" (c'est vraiment puant, mais plus court que "les gens qui ont parfois l'occasion de lire mon blog quand ils n'ont rien d'autre à foutre"), un phénomène hallucinant se produit : Des gens dont j'ignore tout savent des trucs sur moi que dans la vie normale (celle d'avant que j'aie un blog) je n'aurais jamais imaginé dire à quelqu'un. Les trucs les plus anodins du quotidien. Les anecdotes les plus banales. Les événements les plus CHIANTS (il faut l'avouer).
(…)
Un blog, c'est le paradoxe de la nana qui passe son temps à approfondir par écrit des trucs qu'elle n'ose même pas effleurer en vrai (ah quelle horreur, les mamans qui parlent toute la journée de leurs enfants). C'est l'étonnement lié au fait que des inconnus se fassent au fil du temps une image de plus en plus précise de quelqu'un qu'ils ne connaissent que virtuellement (une Belette, par exemple). C'est la délicatesse extrême de ceux qui m'envoient un mail pour me demander s'ils ont le droit de s'inquiéter pour moi et de prendre de mes nouvelles.
Un blog, ce n'est pas qu'une imposture.
Pas que.
Merci Belette ! (C'était Belette.) Si cet article n'avait pas commencé par autant de précautions et d'atermoiement, peut-être aurais-je pu écrire : Tenir « Le carnet de Jimidi » entretient chez moi cette souffrance de n'y pouvoir pas tout dire. Ce qui aurait plombé l'ambiance. Mais puisque cet article semble bien placé sous le double signe de l'honnêteté et de la chantilly en train de tourner, je te rassure : la souffrance en question est quand même ponctuelle – ça passe – et modérée : j'ai connu des deuils plus pénibles, à commencer par celui de ma vésicule biliaire. On se tromperait, je crois, en pensant que les carnet bavards, celui de Belette ou le mien, peuvent infatigablement transformer tout le plomb quotidien en or à lire. Je comprends bien qu'on puisse en avoir l'impression, entretenue par la futilité moyenne de nos sujets, d'autant qu'en ce qui me concerne au moins, cette futilité est une profession de foi. Mais perso, je me retrouve dans la même incapacité ici qu'ailleurs d'évoquer par exemple ce qui relève de l'intime. Le « personnel » oui, nos carnet disent « je » et c'est bien leur charme, mais il reste une frontière très nette, en deçà de laquelle je me tiens, pour des raisons d'ailleurs tout à fait claires, mais contre laquelle je me heurte ici plus souvent et plus durement qu'ailleurs.
Non parce qu'au naturel, on le sait, je ne suis pas bavard. D'ailleurs, j'ai déjà eu l'occasion de le dire je ne sais plus où, mais à l'oral, quand je me tiens hors du registre de l'humour, j'endormirais une armée de puces cocaïnomanes. Tu dis ? C'est peut-être pour ça que j'écris ? Bravo, je vois que la fac de psycho ne t'as pas laissé que des gueules de bois ! Donc à l'ordinaire, j'ai plutôt tendance à la fermer. Ce n'est pas de l'indifférence, c'est juste que j'ai besoin de temps, de ce temps pour comprendre, éclaircir, que je trouve mieux en écrivant. Par ailleurs et ce n'est pas à toi que je l'apprendrais, mais dans la vie, l'autre ne t'écoute souvent qu'au prorata des salades qu'il espère te fourguer en retour et commence sa réponse par "Moi, je".
Bref, j'en prends largement autant dans la tronche que tout le monde, mais il ne pourra pas en être question ici, puisque c'est un espace public, qui plus est fréquenté par des proches.