ais si, je te l’ai dit ! Mais comme d’hab, ça t’es entré par un oeil pour ressortir par l’autre. C’était dans l’article « Réparons, mais avec éclats » : Il y a quelques temps, le très jeune Victor s'introduisait clandestinement avec deux camarades dans leur école primaire, déserte en cette fin de semaine. « Avec deux camarades » C’est clair : il n’était donc pas seul. Et tu ne t’es pas posée la question de savoir en quoi pouvait bien consister la réparation proposée aux deux autres ? C’est dommage. Sachant qu’en réparation des vitres cassées à l’école, Victor s’est vu proposer de casser de la vaisselle pour la Croix-Rouge, pour les deux autres, ça promettait d’être croustillant !
Je te rassures, ce carnet ne faillira pas à sa tradition, consistant à apporter des réponses dont on se passait très bien à des question qu’on ne se posait pas. Il y a donc une suite à cette histoire de réparation et c’est le sujet de cet article.
Ce qu’il te faut savoir, c’est que Victor (qui ne s’appelle pas Victor, tu penses bien, mais Arthur.) était le plus vieux de la petite bande. On sait qu’il avait douze ans au moment des fait. Les deux autres dix et huit. Tu dis ? Tu pensais qu’on ne pouvait pas poursuivre judiciairement des gamins aussi jeunes ? Ce n’est pas tout à fait faux. Notre code pénal prévoit en effet qu’on ne peut pas CONDAMNER quelqu’un avant sa majorité pénale, fixée pour le moment à treize ans. Mais rien n’interdit d’engager des poursuites contre lui. Cette disposition, un peu fourbe, j’en conviens, permet donc bien que le Procureur ordonne cette fameuse mesure de réparation pour des très jeunes, puisqu’elle l’est, ici, en alternative à d’éventuelles poursuites.
Ceci dit, soyons « juste » : en pratique, et même si on observe en France de façon relativement objective un rajeunissement constant de l’âge moyen des jeunes délinquants, aucun procureur ne pousse le zèle jusqu’à traîner devant les tribunaux des gamins dont on sait à l’avance qu’on ne pourra pas les condamner. Tu dis ? C’est peut-être pour ça que la droite voudrait que l’âge de la majorité pénale soit abaissée à dix ans ? Tout à fait !
Mais pour en revenir à nos deux très jeunes délinquants, ceux des vitres brisées dans leur école et des extincteurs vidés, je n’ai pas été personnellement chargé de trouver avec eux et leurs parents un truc qui pouvait décider la Justice à passer l’éponge. C’est ma collègue June qui s’y est collée (Elle ne s’appelle bien sûr pas du tout June, mais April). D’ailleurs, cette attribution elle-même est assez drôle. Non parce que June, comment dire ? c’est la rigueur, le cadre et les règles incarnés. Sur un passage piéton, je pense qu’elle ne marche que sur les bandes blanches, parce que l’asphalte, c’est pour les voitures. C’est te dire si elle est toujours dans les clous ! Mais c’est aussi pour ça qu’on l’aime : elle indique le Nord. Elle a été un peu déstabilisée par le très inhabituel âge de ses deux protégés, mais ça n’a pas duré. Je peux facilement imaginer ses entretiens. Elle leur a parlé de la loi, celle qui protège nos droits et nous donne des devoirs, celle qui protège de la tyrannie du plus fort. Elle a fait dessiner le plus petit : il a fait une école en flamme. On a conclu qu’il avait compris à quoi devait servir les extincteurs. Le plus grand a rédigé un mot d’excuse adressé à la directrice de l’école. Mais June s’est également intéressé à la situation des deux gamins, leur demandant, entre autre, ce qu’ils voulaient faire plus tard, et celui de douze ans a fait ça :
Tu dis ? C'est plutôt encourageant, et finalement, il ne fait pas plus de fautes que moi ?
Je ne le fais pas dire.