u crois qu’elle va m’en vouloir* ? Même si je respecte totalement son anonymat ? Bah, on verra. Au pire, je vire tout. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’elle ne m’a pas envoyé ces photos pour les retrouver sur mon carnet, mais juste pour me montrer ses étagères. Parce que oui, j’ai les mêmes. Donc j’ai les ferrailles qui vont avec, donc j’ai pu lui en envoyer quatre, qui lui manquaient.
Alors, qu’avons nous en rayon sur la première photo ? Un bon gros Nouveau Petit Larousse illustré, pas si petit, pas de la première jeunesse, mais c’est relativement increvable ces machins là et tiens ? juste à côté, un livre qui pourrait bien être « Routes enlacées » de votre serviteur, suivi de « Photomaton » (si vous en voulez, j’en ai) et de la collection quasi intégrale de la revue « Scribulations », ce qui ne fait jamais que cinq numéros. Mais ils se tiennent fièrement debout, parmi les vrais livres, et c’est bien. Ensuite, quelques livres de la NRF, mais dont on ne distingue pas les titres, puis « Contes (et légendes ?) de Po » Pologne ? Polynésie ? Portugal ? Puis trois beaux livres, parmi lesquels je ne serais pas surpris de découvrir les contes des milles et une nuits. En deux volumes.
Au rayon d’en-dessous, des petites plantes, jeunes, ou en agonie prolongée. Un vase contestable, mais voit-on encore ce qu’on voit tous les jours ? Un chat porte bague, sans bague. Un pèle-mêle de photos souvenir d’enfance, orient ou Maghreb. Une petite fontaine zen, typique de ces cadeaux dont on ne peut pas se débarasser, puisque qu’ils rattachent à une personne ou une circonstance, mais dont on se passerait bien au moment d’emménager. Planquée, une sculpture anthropomorphe mais qu’on ne verra bien que sur la deuxième photo.
A côté, juste avant la télé écran plat de taille raisonnable, je ne sais pas. Quel est ce petit bijoux de technologie ? Box ? Disque dur externe ? Décodeur TNT ? Lecteur DVD ? Après enquête, c’est une Freebox, ce qui laisse entière la question du lecteur DVD et plus généralement celle du matos image et son, mais on verra plus loin que j’ai une hypothèse. Puis la télé, branchée sur NRJ 12, ce qui tendrait a prouver qu’on est au moins deux à regarder cette chaîne, au moins occasionnellement. En bout de rayon, une nouvelle sculpture anthropomorphe, nettement féminine et aussi nettement africaine. On notera également la présence d’un tissu gorge de pigeon dont la pose étudiée sert probablement de transition visuelle entre les chatoiements d’NRJ12 et le reste. Ou à cacher le plateau. L'un n'empêche pas l'autre.
Les « Beaux livres » c’est à dire les livres d’images, sont au rayon d’en dessous, certains rangés à plat, de manière à ce que leur titre ne soit pas lisible. Parmi eux, un « Typographie vintage » sur lequel je jetterais bien un oeil ou deux. Dans la même alvéole se tient une vieille imprimante HP qui ne m’a pas l’air d’être fonctionnelle et sur elle, l’objet du délit : un cendrier typique des années soixante-dix, tu sais, ceux qui m’amusaient beaucoup quand je ne fumais pas encore, avec un gros bouton sur lequel on appuyait, ce qui faisait tourner et descendre un disque servant de couvercle sous lequel s’étouffaient les mégots.
Les rayonnages d’à côté sont essentiellement consacrés aux DVD et CD musicaux. Sur le rayon des DVD, l’intégrale de « Friends » et ses treize boitiers occupent plus de la moitié de la place disponible et les petits sous verres s’appuyant négligemment contre eux masquent mal leur terrifiant volume. En avant scène, sur la place laissée disponible par la largeur de l’étagère, trois bougie-fleurs dorées et deux petite boîte à trésor format jeu de carte. Dessous, la résolution de la photo ne permet pas de lire les titres de CD, mais ça à l’air d’être un joyeux mélange, partagé par un très joli petit coffret à bijoux style art déco.
La deuxième photo permet de situer la première dans un ensemble plus vaste : il y avait donc encore cinq rayons plus à gauche et au moins trois au dessus. Étant prise de plus loin, cette photo apporte des information plus générales. On remarquera par exemple que le partage de l’espace n’est pas très net entre les objets et les livres. Les deux se côtoient, voisinent, cohabitent en bonne intelligence.
Les inévitables classiques reliés cachent leur monotone uniformité près du plafond, là où ni la génération précédente, ni celle-ci et certainement pas la suivante n'iront les lire. J’ai les mêmes, à base de Comédie humaine et autres Zola, également stockés dans un endroit intermédiaire, entre l’accessibilité et la relégation, attendant cette fameuse année sabbatique où l’on n’aura rien d’autre à faire que de lire toute la journée. Mais on les lirait alors avantageusement sur une liseuse électronique, parce qu’en général, les reliures flatteuses pour l’oeil cachent des impressions plutôt médiocres.
J’accélère. On trouvera la littérature professionnelle juste au-dessus d’un petit bureau, astucieusement inclus dans l’étagère, disposant d’un tiroir d’ailleurs ouvert et rangé, ce qui confirme l’impression qu’il ne sert pas de bureau, mais plutôt de point focal, de centre de gravité pour regrouper « ce qui est en cours » et doit rester à portée de main dans l’hypothèse très improbable où l’on déciderait de « s’occuper des papiers », pris en attendant entre les mâchoires d’une grosse pince à linge dont la brutale assurance ne trompe personne.
Tu dis ? Et l’hypothèse informatique alors ? Je crois qu’elle - c’est incontestablement une étagère féminine - dispose d’un ordinateur portable équipé Wifi. C’est possiblement là-dessus que passent les DVD et la musique.
* En vrai, j'ai demandé à la proprio avant.