risons tout de suite la fausse modestie affichée par le titre de cet article, si je vous montre ce qui suit, c’est bien parce que je trouve ces dessins et collages dignes d’intérêt. Ils ne sont vieux que par les dates. Je ne les ai jamais vraiment montré. J’en ai offert pas mal, mais exposé non. C’est d’ailleurs une des raison qui m’ont fait abandonner l’art plastique et l’art avec des plastiques au profit de la littérature : j’y avais plus de potes. L’autre raison, c’est qu’en dessin, il ne me semble jamais être allé au-delà du joli. On a beau dire, mais provoquer une émotion esthétique, en dessin, en peinture, c’est un métier autrement plus compliqué pour moi que de faire pleurer et rire - si possible en même temps - avec des mots. Bon retour dans la fin des années soixante-dix et le début des années quatre-vingt !
Cette série là met en oeuvre une technique simple. J’improvisais un dessin à main levée avec un gros cutter soigneusement émoussé, qui gravait le papier sans le couper, mais dont la lame donnait aux traits un côté « tendu » et net que n’aurait pas eu, je sais pas moi, disons un stylo bille sans encre. Parfois, j’ajoutais dans une surface ou deux d’autres gravures : carreaux, rayures parallèles, réseaux, idéogrammes, puis je passais au coloriage, au crayon de couleur, mes Faber-Castell chéris, qui faisaient enfin apparaître (à ma grande joie) la gravure. J’étais dans une époque « séries ». Je me rappelle m’être dis quelque chose comme « Bon, j’en fais cinquante, et après on voit. » Curieusement, mais je n’aurais pas dû trouver là de quoi m’étonner, certaines dessins me paraissaient bien mieux réussis que les autres et finalement, chaque série a toujours vérifié la distribution selon une courbe de Gauss : la plupart pas mal, quelques uns à jeter, quelque uns vraiment bien. On retrouve ça partout, dans les photos et les foules.
Là, si je voulais un tant soit peu me vendre, je dirais que je ne sais plus ce qui m’a poussé un jour à recouvrir certains dessins de colle à bois puis de peinture blanche, pour ensuite découper la peinture, ou la gratter, ou la poncer et les plus charitables d’entre vous penseraient que j’ai été touché par l’inspiration, ou que mon ange gardien en ayant marre de cette série, m’a botté le cul. C’est à la fois plus simple et plus compliqué. J’ai d’ailleurs en partie vendu la mèche en avouant que certaines dessins, quoiqu’exécutés de la même façon que les autres, étaient à chier. D’où l’idée de leur donner une deuxième chance, de m’en servir de fond, de matière première pour une autre série. Faut pas gâcher. S’ajoute à ça une irréductible fascination pour ce qui se révèle sous l’apparence, la surface. Donc colle à bois en guise de verni, pour que la peinture n’adhère pas trop, puis une bonne couche de blanc acrylique, puis de nouveau gravure, mais avec un cutter coupant cette fois. Réseaux, hachures et décollage de petites (ou grandes) surface de peinture pour faire apparaître le dessin d’en dessous, un peu, beaucoup, passionnément.
Ne me demandez pas comment j’en suis arrivé à coller du sac poubelle sur du filet à courgette au fer à repasser. Là, c’est vrai : je ne m’en rappelle plus. Toujours aimé les mailles carrées, mais ça, on voit bien pourquoi. En organisant l’espace en colonnes et lignes, les matrices à maille carrée semblent figurer un état primitif du texte, quelque chose comme une page quadrillée prête à l’accueillir. D’ailleurs, c’est ce que semble illustrer le premier dessin de cette série, avec ces faux idéogrammes bien rangés, donnant une « impression de texte » sans que celui-ci soit lisible. Ce qui semble assez normal, vu qu’il n’y en a pas. Ceci dit, si j’écrivais ma liste de course en cunéiforme, tu ne la lirais pas non plus.
Ce que j’ai pu en repasser, du plastique, d’autant que tu ne le verras pas ici, mais certaines séries que je n’illustre pas dans cet article, lui faisait la part belle. Je pense bien sûr à la série des « écorchés », dont je parlerais peut-être un jour.
On termine le voyage par le pire de tous, mais qui me semble - c’est rassurant - le plus ancien. Je l’ai titré « La Roche de Solutré après la victoire des socialistes ». Naaan, je plaisante ! C’est fou ça : tu es vraiment près à gober n’importe quoi ! De l’encre, de l’émail vitrail employé façon « papier à la cuve », des rajouts d’arbre pour faire réaliste. Pas grand intérêt. Fin de l’étape. Ne descendez pas avant l’arrêt complet du train en gare.
Jimidi