ne porte a beau ne pas avoir de clé, ce n’est pas pour autant que tout le monde la pousse. Il y a comme ça des endroits discrets du Web, très différents des halls de gare de certains sites ou de la foire commerciale de certains autres, différents également de ce carnet, qui s’apparenterait plutôt à une sorte de bistro, avec sa clientèle de passage et sa poignée d’habitués. Là bas, je ne passe pas tous les jours, mais quand mes promenades immobiles m’y conduisent, je jette un coup d’oeil, comme passant devant la fenêtre sans rideau ni volet d’un domicile et sans m’arrêter plus que la bienséance ne le commande. Je sais qui habite là, mais comme on devine, comme on imagine la vie des gens à partir de leur intérieur, de leur déco, de leurs meubles, des photos souvenirs exposées sur les murs : à la fois beaucoup, et rien.
De ma dernière promenade, je rapporte ces deux photos souvenirs, celles de deux enfants qui ne se connaissent pas et que je ne connais pas non plus, mais dont le regard me semble partager la même énigme, à des années et des milliers de kilomètres de distance. Je ne vous dirai ni dans quelle rue, ni passant devant quels domiciles sans volet mon bref coup d’oeil les a gardé : soit vous passez déjà là-bas, soit non, mais dans les deux cas l’adresse ne vous servirait à rien. Il me reste à espérer que l’amitié dont m’honorent les habitants des lieux discrets ne sera pas écornée de voir affichée dans mon bistrot ces regards qui ne me regardent pas.