ar un concours de circonstance assez extraordinaire, de ceux qui nous font conclure que décidément « le monde est petit », il se trouve que D. une collègue fraîchement débarquée de la réunion est mariée à un savoyard, propriétaire d'une résidence secondaire dans le village où réside encore une bonne partie de sa famille, cette maison se trouvant mitoyenne de celle de la veuve du parrain de mon frère.
Je sais, présenté de la sorte, ça fait un peu « Je connais la femme de chambre du dentiste d'un roadies de Daniel Guichard», mais il se trouve que dans cette maison de chartreuse, celle de la veuve de, etc. j'y suis allé plusieurs fois étant petit. Tu dis ? Jusque là on s'en fout complètement, au moins autant que de toutes les baraques dans lesquelles des gens plus ou moins connus ont passé une nuit ? Certes, mais attends : Dans cette maison, comme dans beaucoup de celles où l'on ne passe qu'une partie de l'année, se trouvaient entreposé un tas de livres, entassant ceux qu'on ne juge plus assez intéressant pour les laisser à demeure dans notre résidence principal, quand on a la chance d'avoir plusieurs domiciles, où que celle-ci se trouve un peu envahie (les livres se reproduisent entre eux, c'est bien connu) ou que les enfants on grandi, ou juste qu'on en a marre de les voir.
Et dans ce tas de vieux livres, à l’époque, oh merveille ! toute une série de « Bob Morane », les premiers, ceux avec la couverture jaune. J'ai alors plongé dans Bob Morane comme seules les fringales peuvent nous faire plonger, toi dans la crème glacée et le Nutella, moi dans la lecture, avec cette même impossibilité d'en sortir avant d'avoir tout fini. Je ne peux pas jurer les avoir finalement tous lus : y'en a quand même une bonne cent-trentaine, mais le début de cette longue orgie a bien commencé en Chartreuse, dans cette maison mitoyenne de celle de ma collègue. Du coup, quand elle nous a invité à venir passer quelques jours là-haut pendant les vacances de février, et cherchant ce qu'on pouvait bien lui apporter, j'ai pensé à des livres, choisis parmi ceux qui m'envahisse, ou que j'avais marre de voir, ou ceux devenus moins utile depuis que les enfants ont grandi et moi avec. Et justement, il s’est trouvé qu'après une crise de nostalgie m'ayant fait courir les bouquinistes, j'avais racheté l'année dernière à prix d'or une petite dizaine de Bob Morane ; l'édition à couverture blanche. J'ai donc joint ces Bob Morane là aux autres livres condamnés à l’exil, mis tout ça dans mon sac de voyage et laissé les bannis en Chartreuse.
J'aime bien cette idée qu'après une bonne quarantaine d'année, de part et d'autre d'un mur mitoyen de Chartreuse, se trouvent réunis les premiers Bob Morane que j'ai lu et les derniers que j'ai achetés. Le monde n’est pas si petit que ça. Ce qui surprend, peut-être, c’est qu’il soit clos.
Jimidi 16 mars 2010