Bien sûr, ce qui frappe d'abord, c'est le poids : Plus de trente kilos de prospectus reçus ici en une année (32 312 g) L'essentiel étant constitué de publicités « non adressées » (je vais y revenir), on peut raisonnablement penser que mes voisins ont reçu les mêmes. On dépasse le quintal dans notre seule entrée et les deux tonnes dans notre seul immeuble. On aimerait être sûr que tout ça a été imprimé sur du papier recyclé, ou issu de forêts bien gérées, pour finalement retourner dans la poubelle verte, qui chez nous est jaune et chez toi bleue.
Mine de rien, il est parfois assez difficile de faire la part entre ce qui est publicité et ce qui n'en est pas. Le critère : « Ce qu'on pourrait trouver également dans la boîte aux lettres du voisin » ne suffit pas toujours à faire le tri. Tiens, par exemple. Quand mon assureur – la Macif – m'envoie sa feuille de choux « Tous sociétaires », il s'agit à l'évidence d'un « service » lié à mes contrats chez eux, mais quand ce même assureur profite de son fichier client pour envoyer des offres commerciales concernant d'autres produits, c'est de la publicité. Donc « Tousse, sociétaire », non, mais les autres trucs, oui.
Idem pour certaines entreprises de vente par correspondance, qui, il n'y a encore pas si longtemps, suivaient l'adage : « Client un jour, cliente toujours » et envoyaient systématiquement leur gros catalogue pour peu que tu aies eu l'imprudence d'acheter un truc chez eux. Cette époque est en partie révolue, mais les fichiers client ayant la vie dure, on reçoit des petits catalogues de promos. Donc les gros catalogues de La Redoute et des 3 Suisses (par exemple) non, mais les autres trucs oui.
Ceci dit, certains catalogues figurent bien à l'arrivée dans le bac, comme celui de But et de Fly (350 g chacun), qui ont été ici distribués dans les boites. Les magasins de jouets, eux, ne fonctionnent que par catalogue. C’est du moins ce que laisse entendre les trois uniques catalogues « JouéClub », « La Grande Récré » et « King jouet » (450g ensemble).
Il y a d'autres trucs arrivant ici, à mon adresse, sans que j'ai jamais rien demandé. Ils ont été traités au cas par cas. Pas toujours de façon très rigoureuse. Le journal CFDT par exemple : pas dans le bac. Le journal d'ATD : pas dans le bac non plus. En revanche, comme on a voté deux fois cette année, j'ai considéré comme publicité les professions de foi et les bulletins adressés par les candidats aux élections Présidentiels puis législatives. Comme on est encore officiellement quatre ici : bonne récolte. Et tiens, puisqu'on est dans la politique, restons-y : j'ai également rangé sous cette étiquette le bulletin municipal et le bulletin intercommunal : dans le bac les deux. Poids politique de l’année dans la boîte aux lettres : 1165 g
Tout ça pour dire que si l'exercice me motivait sérieusement – je te rassure, ce n'est pas le cas – il faudrait relever scrupuleusement chaque jour TOUT ce qui arrive dans la boite aux lettre (et à la poste en notre absence), peser, distribuer dans les cases et nous pourrions constater ce qu'on sait déjà, à savoir que tes courriers se font rares, même s'ils sont toujours très appréciés, surtout quand ils contiennent un pot de miel ou cette délicieuse girl en canevas.
Après, et pour en revenir aux expéditeurs de prospectus, il faut distinguer les réguliers des occasionnels. Les réguliers se distinguent assez vite par leur « tonnage » et c'est bien sûr ceux là qui vont nous intéresser le plus, mais les occasionnels méritent trente seconde d'attention. Attention, top, c'est parti. Quel désespoir secret, quelle douleur ne pouvant plus se taire, quel ultime sursaut d'agonie a pu, par exemple, pousser Monsieur KparK, le marchand de fenêtres, à photocopier sa pauvre proposition commerciale pour ensuite mobiliser sa soeur, son neveu, sa meilleure moitié, pour la distribuer une fois et une fois seulement dans la résidence ? Quelle chance auront eu les 90 autres occasionnels de toucher précisément leur cible en un seul tir ? On ne le saura jamais. Tu dis ? Et en plus on s'en fout ? C'est vrai.
Reste les poids lourds sur lesquels je vais m'appesantir un peu. Chacun son tour. Tu croyais quand même pas que tu pouvais stratifier tranquillement dans le bas du placard à chaussure et t'en sortir indemne, si ?
Les vrais lourds, on s’y attendait, sont quatre grands distributeurs. Premier dans l’ordre des croissants (grâce à sa viennoiserie cuite sur place) Géant Casino, le seul a dépasser les quatre kilos (4352g). Leclerc arrive juste derrière (3960g) suivi de Carrefour (3020g) et Intermarché (2070g) Pour Géant, soixante quatre prospectus, on est à plus d’un par semaine : du harcèlement. Pour Leclerc, la prochaine fois que vous verrez son argumentaire selon lequel il essaye de réduire sa publicité papier, merci de lui demander s’il a d’autres mensonges à nous servir. Le cas de Carrefour est intéressant : il n’y a pas de Carrefour ici. Le plus proche est au Sud, à vingt cinq kilomètres mais si tu préfères aller au nord, c’est à trente bornes. Il faudrait m’expliquer ce qui pourrait pousser quelqu’un d’ici à faire ses courses chez Carrefour alors qu’il y a trois hypers à cinq minutes. La promo sur la mortadelle ? Le désespoir ? Ou alors, le calcul est le suivant : puisque Villefranche sur Saône est une sorte de grande banlieue pour plein de gens travaillant à Lyon, incitons les à faire leurs courses en rentrant du bureau. Mouais. Ça va surtout les inciter à se rendre au boulot en voiture, et c’est pô bien. Bref, Carrefour bourre ici les boites aux lettres de prospectus qui n’ont aucune chance d’intéresser qui que ce soit, à part moi, mais on sait que je ne raterais pour rien au monde une bonne lecture de promos boucherie avant de dormir. Ah non, mais je t’assure : Le demi-porc débité, pleine page, ça change un peu du JT ! Ou alors, Carrefour arrose la zone pour occuper le terrain et les briser menu. Mais non, pas à moi, à la concurrence. Va savoir…
Un truc apparaît également assez nettement, à faire des piles de prospectus par raison social, c’est le tiraillement du format. Dans les expéditeurs réguliers, on compte sur les doigts d’une seule main ceux ayant choisi une formule de prospectus et qui s’y tiennent. Mais on perçoit bien les deux termes de la contradiction : se faire reconnaître, identifier au premier coup d’œil ou tenter d’émerger de la vague de papier, de l’ordinaire, y compris de sa propre production. Mais finalement, en moyenne, tout est bon pour « créer l’événement » (tu parles !) y compris le format. C’est particulièrement vrai pour les soldes, ou des événements moins saisonniers, mais finalement tout aussi répétitifs : anniversaires, foire au gras et tout ce que le marketing compte comme bonne grosse ficelle pour tenter de créer un effet d’aubaine et faire oublier qu’on paye aujourd’hui un euro ce qu’on payait un franc y’a cinq ans.
Bon ben voilà. On a fait le tour. Reste à décerner la palme du prospectus le plus con à Boulanger. C’est un A4 papier glacé couleur d’assez bonne facture qui présente exactement la même chose au recto et au verso. Peur de la page blanche ? Et tiens, pendant qu’on y est, palme du prospectus le moins con à « La vie claire » : un sac papier kraft qu’on t’aurait rempli de mandarines si tu étais passé. Perso, j’ai pas pu, fallait garder le sac dans la pile, sinon tout cet article aurait été faussé, tu penses !
A suivre : les réponses au jeu !