ui, je sais : ça faisait longtemps. Longtemps que je n’avais pas jeté en pâture à vos yeux incrédules et vos cervelles atrophiées un objet d’une telle connerie. Il faut croire que votre fréquentation assidue m’avait rendu indulgent envers l’insondable, ou alors, hypothèse plus charitable, les prétentions culturelles de ce carnet m’avaient momentanément imperméabilisé. Tu dis ? Tu crois plutôt que je ne résiste jamais très longtemps à glisser vers le bas jusqu’à toucher le fond ? Possible, mais tu es virée.
Mais là, avec ce... vase, vendu par « L’objet du mois » on est dans le cumul des mandales, non ? On en vient a se demander à quoi sert la fleur, qui d’ailleurs m’a l’air d’avoir entrepris de se noyer. Du coup, je me demande si son attitude désespérée ne nous indique pas discrètement la vraie finalité de cet objet, qui serait à chercher du côté de l’aide au suicide. Si vous aviez l’intention d’en finir - il serait temps ! - ce vase pourrait bien vous proposer, au choix :
L’électrocution - L’adaptateur secteur est fourni. Il vous reste à ajouter de l’eau. C’est la méthode dite de Claude François. Très efficace, au moins pour lui.
La crise cardiaque - garantie en découvrant la laideur de l’objet, mais dont vous pourriez peut-être assurer le résultat en tentant le choc anaphylactique si vous preniez la précaution de planter dans le vase une espèce végétale à laquelle vous êtes allergique.
Le coup de grâce - devrait vous être asséné par le prix de l’objet.
Mais au moins entreprendrez-vous le dernier voyage baigné de la musique de votre choix et si, au bout du tunnel, la grande lumière blanche passe étrangement par toutes les couleurs de l’arc en ciel, c’est que ce putain de vase vous aura précédé dans la tombe. Aux moins inspirés d’entre vous, je suggère de télécharger sur leur i-phone (non fourni), cette chanson de Claude Engel et Serge Gainsbourg chantée par Diane Dufresne :
Je me verrais bien me taper de l'arsenic
J'entends mes râles émouvants
Je vois quelques sables mouvants
Se coller à mes cosmétiques
Je verrais assez ma tête au bout d'une pique
Mon joli petit cou sanglant
Ou me faire les cartes en trichant
Et me tirer l'as de pique
Je me verrais bien là-bas dans l'Antarctique
Me mettre autour de mon séant
Au beau milieu de l'océan
Une bouée marquée Titanic
Je me verrais bien mordue par un aspic
Ou encore par un chien errant
La proche pharmacie manquant
De sérum antirabique
Je me verrais bien sur un pain de plastic
Comme Larousse semer à tout vent
Mes quatre membres et moi crevant
De cette chirurgie esthétique
Je me verrais bien le crâne entre deux briques
Une à une cracher mes dents
Exhaler en caillots de sang
Tout mon amour égocentrique
Je verrais bien ma guitare électrique
Me foudroyer en un instant
Je me vois aussi innocente
Assassinée par la critique
Je me vois lynchée sur la place publique
Par mes admirateurs d'antan
Qui m'aiment encore qui m'aiment tant
Je me vois huée par mon public.