Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
12 août 2013 1 12 /08 /août /2013 07:57

 

 

 

 

 

MERCREDI.

                  Vie halieutique. Ici, je pêche. Deux heures le matin, deux heures le soir, le reste de la journée, je ne pense qu'à ça. La nuit aussi. Dès que je ferme les yeux, je vois mon bouchon qui s'enfonce. J'adore la pêche, mais je ne suis pas pêcheur. Des pêcheurs, j'en ai connu et j'en connais encore : je n'ai pas leur patience, leur méticulosité, leur habileté, leurs connaissances, leur science. Je ne sais pas pêcher. Je suis infoutu de faire un noeud potable, je m'emmêle à chaque lancer, je m'accroche dans tout ce qui pousse aux alentours. Un jour, sur la Creuse, j'ai réussi à me planter un hameçon dans la lèvre et j'ai ainsi appris ce que pouvait ressentir un poisson capturé. C'est peut-être pour cette raison que j'en prends si peu, et toujours des petits que je relâche. De toute façon, quand je touche un gros, on peut être sûr que l'épuisette est restée dans le coffre de la voiture et que je ne pourrai le hisser sur la rive. A la pêche, j'ai tout perdu, dans l'eau : des hameçons, des bouchons, des lignes, des cannes, des bottes, des lunettes, des casquettes, des allumettes, des briquets, des paquets de tabac, des couteaux, des boîtes d'appâts, des seaux d'amorce, des rames, des dames de nage, des musettes entières, et je ne parle pas de ce que j'avais dans les poches quand je suis moi même passé au bouillon. On considère souvent la pêche comme une activité reposante. "Détendez-vous, allez à la pêche", disait le slogan. Pour moi, c'est tout le contraire : je trépigne, je fume comme une cheminée, je m'épuise, j'en rentre sur les genoux. Dans mes jeunes années, il m'est arrivé de faire des parties de pêche en compagnie de vrais pêcheurs mais désormais, je considère que j'ai suffisamment d'occasions de me rendre ridicule pour en ajouter. Maintenant, je pêche quinze jours par an - je pense à ces quinze jours pendant les cinquante semaines restantes - et sans témoin. Cela vaut mieux, comme j'ai pu encore le constater ce matin. C'était la fin de la séance, le bredouille était en vue. Au moment de rassembler mes affaires, la canne me file entre les mains, tirée par une grosse pièce dont je me demande encore ce qu'elle trouvait comme intérêt à mon misérable asticot. La canne s'éloigne, inutile d'essayer de la rattraper. Heureusement, elle a la bonne idée de flotter. Je file sur l'autre rive chercher la barque, embarque, souque ferme jusqu'à ma canne que j'ai bon espoir de récupérer avec, qui sait, ce qu'il y a au bout. J'avais compté sans les sens aiguisés de ma commère la carpe qui, à mon approche, se taille dare-dare. Et me voilà, moi qui n'ai jamais lu Moby Dick, lancé à la poursuite de ma baleine blanche d'un bout à l'autre de l'étang. Cela dure jusqu'au moment où je réussis à coincer l'attelage dans un herbier et à empoigner ma gaule. A l'autre bout, on n'est pas d'accord et nous rompons là. Je rentre au port en n'ayant à déplorer que la perte d'un bas de ligne, ce qui est tout bonnement remarquable. Caroline et les filles se lèvent. Elles ne savent pas ce qu'elles ont manqué.

 

 

commentaires

T
<br /> Beau texte.<br />
Répondre
J
<br /> <br /> On sent le vécu !<br /> <br /> <br /> <br />

Articles RÉCents

  • Bisounours et langue de bois
    Pour l’avoir déjà dit souvent, je peux le répéter ici encore une fois : je lis tout ce qui m’arrive, quelque soit la provenance et le contenu. Les sources sont assez diverses. Classiques : je lis ce qu’on me prête, ce qu’on me donne, ce qui tombe de ma...
  • La saga de Ote - Volume II - Le dirigeable
    La nature a horreur du vide, parait-il. Ça tombe bien : moi aussi. Après avoir terminé d'écrire le premier opus de cette saga (septembre 2014-->jullet 2015), un grand vide s'est fait. Je n'avais vraiment, mais vraiment aucune idée de ce dont pourrait...
  • Vivement que tous nos logement soient accessibles...
    Vivement que tous nos logement soient accessibles aux handicapés, qu'on puisse se faire livrer les courses par des robots. Ou par des handicapés, d'ailleurs.
  • J’étais tranquillement en route pour aller chez...
    J’étais tranquillement en route pour aller chez Dut quand je me suis avisé que l’aiguille de température d’eau indiquait plus de 100° et flirtait avec la zone rouge. J’ai continué à très petite vitesse jusqu’à un endroit où m’arrêter à l’ombre, avec l’idée...
  • Louons la Vache :
    Louons la Vache : 10 novembre 1966 Jean POIRET, humoriste, chante "Une vache à mille francs", une parodie de la chanson de Jacques BREL "Une valse à mille temps".
  • Non mais, franchement...
  • Je ne m'en lasse pas :
  • "Mais puisque je vous dit que mon attestation...
    "Mais puisque je vous dit que mon attestation d'installation d'un détecteur autonome avertisseur de fumée à BRÛLÉ dans L'INCENDIE provoqué par le fonctionnement défectueux de ce putain de détecteur ! "
  • On me les a demandé : les voilà, les pigeonneaux...
    On me les a demandé : les voilà, les pigeonneaux du balcon. J'avais l'impression que les petits, quelque soit l'espèce, étaient forcément au moins aussi beaux que les parents, voire plus - surtout les miens - mais quand tu vois ce désastre... Encore,...
  • Allo ? Y'a quelqu'un là haut ? Quand je disais...
    Allo ? Y'a quelqu'un là haut ? Quand je disais "on va tous mourir !" Je PLAISANTAIS ! C'est bon ? Tu peux remettre la clim ?