n sait Mélanie engagée dans une visite systématique des capitales européennes. L'histoire ne dit pas si elle a entrepris cette tournée avant ou après l'élargissement à 27, on ne saura donc pas si elle envisage sérieusement d'aller à Ljubljana (Slovénie), à Riga (Lettonie) ni à Vilnius (Lituanie), mais elle est passée à Berlin où elle a visité le Musée Juif.
Pourquoi veut-elle que j'en parle ? Mystère, d'autant qu'après avoir lu et regardé tout ce que j'ai pu trouver sur ce musée, la tâche se révèle impossible.
Je n'ai pas de mal à imaginer que cette visite l'ai éprouvée puisque l'indéniable réussite de ce bâtiment consiste, semble-t-il, à rendre physiquement sensibles au visiteur les idées qui ont présidé à sa conception. Je dis "idées" mais c'est trop vague. Il faudrait parler des intentions, des réflexions, de la volonté de l'architecte, qui n'ont rien de gratuit, rien d'hésitant. Comment, par exemple, éprouver la perte de repère de l'exilé ? Ou comment inclure dans la structure même du bâtiment, et donc dans sa visite, le vide laissé par six millions d'absents ? Le talent de Daniel Libeskind consiste - si j'ai bien compris - à placer le visiteur dans des situations ou ces questions s'imposent, parfois violemment, en premier lieu par des sensations, à partir desquelles on peut penser que chacun trouve les termes personnels de ses propres réponses.
Et c'est bien pour ça qu'il me parait difficile d'aller plus loin. Parce que les intentions, les dispositifs et tout, c'est bon, j'ai compris, mais qu'en serait-il pour moi sur place ? Je ne le saurais qu'en y allant.
Après avoir lu et vu beaucoup sur ce musée, finalement, seul le film de Stan Neumann et Richard Copans chez Arte vidéo me parait indispensable. J'ai demandé à Arte si je pouvais le diffuser ici, c'est non. Je n'ai donc pas d'autre choix que de vous renvoyer sur un autre site pas très rapide :
Dans ma visite - très virtuelle pour le moment - du musée juif de Berlin, l'installation « Fallen Leaves » (Feuilles mortes) de Menasche Kadischman, me parait assez bien reprendre à son compte les intentions de l’architecte de plonger le visiteur dans un éprouvé complexe. Le dispositif en est simple, immédiatement compréhensible à partir de la photo : Dans un couloir assez long, d’innombrables visages stylisés, bouches ouvertes, découpés dans un acier épais, jonchent le sol. Le visiteur est invité à traverser cette surface instable et ne peut le faire qu’en marchant sur ces visages. Ce faisant, il les fait s’entrechoquer, provoquant des bruits se prolongeant en échos. Les visages semblent-il alors hurler ? C’est ce que rapportent certains visiteurs. Dans la vidéo, les bruits m’ont paru plutôt évoquer quelque chose d’industriel, brutal et chaotique, dont les visages figureraient à la fois l’instrument et les scories fantomatiques.
On doit se trouver bien seul avant de traverser cet éboulis de visages. Sur la vidéo toujours, on comprend que la visiteuse hésite et ne s’y résolve à la toute fin qu’après un petit haussement d’épaule un peu désespéré. Mais ayant traversé, qu’éprouve-t-on ? Est-on sensible à cette idée, à laquelle je m’accroche pour ne pas sombrer tout à fait, selon laquelle sans les visiteurs, ces visages resteraient à jamais silencieux ?
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Merci à ACABHNEWS pour la photo de « Fallen Leaves » et merci à moi-même pour la modélisation 3D du musée. Première publication 9 février 2011