a ne vous a peut-être pas sauté au cervelet (je n’ai d’ailleurs pas souligné ce point) mais les nuanciers sont pour moi un nouvel exemple - un peu minimaliste, certes - de ce qu’il faudrait bien appeler la « littérature jetable ». Nous sommes cernés par l’écrit ; c’est rien de le dire. Les objets qui nous entourent, pour des raisons d’identification, de mode d’emploi, de publicité (ou juste de bavardage)... portent leur lot de mots, de phrases, de texte. J’ai une tendresse toute particulière pour cette littérature discrète et pour ses auteurs inconnus. Ça ne date pas d’hier puisqu’en 2008, j’avais consacré deux chroniques pour mettre en lumière mon papier toilette et mon déo de chiotte. En cherchant un peu, on trouverait d’autres exemples sur mes carnets successifs, mais là, j’ai la flemme.
Il y a donc eu, par exemple, quelqu’un, très pince sans rire, pour écrire à la page 118 du mode d’emploi de mon « DVD recorder » Sony, au chapitre du dépannage : Alimentation - L’appareil ne s’allume pas. ---> Assurez-vous que le cordon d’alimentation secteur est bien branché. Le même (ou un autre), poète involontaire, me laisse rêveur page 126 en indiquant : Si l’enregistreur est déplacé directement d’un endroit froid à un endroit chaud, ou placé dans une pièce très humide, l’humidité peut se condenser sur les lentilles à l’intérieur. L’enregistreur risque alors de mal fonctionner. S’il est allumé, laissez le allumé (laissez le éteint s’il est éteint) pendant une heure environ pour permettre à l’humidité de s’évaporer. Qu’il est fascinant d’apprendre, au détour d’un mode d’emploi, que certains d’entre vous passent directement leur lecteur-enregistreur DVD du réfrigérateur au four, avec une petite étape par le sauna et peuvent s’apercevoir que leur appareil n’aime pas ça, même s’il est éteint. Une telle relations fusionnelle - quasi télépathique - avec son électroménager, je ne pensais ça possible que chez certaines lecteuses (de Tours). Et qu’elle est belle cette image de la rosée perlant sur les lentilles intérieures !
Ne croyez pourtant pas que j’aie lu attentivement les 138 pages de ce mode d’emploi pour en tirer les exemples ci-dessus, non : j’ai commencé par la fin en sautant les pages d’index. En effet, même si votre belle-fille le conteste (car la bru nie), une caractéristique évidente de la littérature jetable est qu’on ne la lit pas. À part la composition des produit alimentaires, leur date de péremption et les tableaux relatifs à leur caractéristiques nutritionnelles, bien sûr.
Comme je ne voudrais abuser ni de votre temps, ni de votre patience, j’ai mis en ligne les deux chroniques susmentionnées, mais sur une page à part, l’une à la suite de l’autre.