incontestable talent de Céanothe réside pour moi dans la façon dont ses clichés nous donnent à voir à la fois le temps qui passe et le temps qui ne passe pas, autrement dit l’éternité.
C’est peu dire que j’ai été ébloui en découvrant la première fois les photos de Céanothe sur « Promenades » son carnet, grâce à un lien proposé à l’époque par Canelle.
Je ne sais pas si comme moi vous prendrez la peine (joyeuse !) de parcourir plusieurs dizaines de pages du carnet de Céanothe. Si vous deviez le faire peut-être serait-il intéressant pour vous de commencer du début -mars 2008 - puis d’arriver doucement à nos jours ? Perso, j’ai fais le chemin inverse, mais je pense que nous arriverions aux mêmes réflexions : C’est de mieux en mieux. Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, c’était déjà TRES INTERESSANT au départ. Je n’en veux pour preuve que la photo mise en ligne le 29 novembre 2008 qui est une pure merveille. Mais il me semble qu’au fil des jours, le propos se resserre, le regard se précise, comme on dit d’une oreille quelle se tend. Il y avait au début quelques plans plus larges, des forêt, presque des paysages : il n’y en a plus. Mais il y a mieux, comme si de se rapprocher toujours plus permettait à l’artiste de montrer quelque chose de toujours plus vaste, parce que plus essentiel.
Mais quoi ? Je vais y venir et de toute façon, je vous l’ai déjà dit, mais poussez pas derrière ! Il m’a semblé percevoir également que Céanothe en appelait de plus en plus souvent au fond noir, ou blanc. Je pourrais dire qu’alors ses sujets apparaissent de plus en plus décontextualisés, mais je risque encore de perdre mille lecteurs * qui vont se barrer sur Netkulture. Pourtant, ces quelque indices discrets : se rapprocher du sujet, l’isoler de ce qui pourrait divertir ou faire joli, peut-être même retoucher, me paraissent signer une démarche d’une grande exigence.
Parce que ne nous voilons pas les yeux, avec son talent, Céanothe pourrait sans doute photographier le bottin – il faudrait juste le congeler d’abord – ou d’impeccables floraisons printanière et nous serions tous très content de l’avoir en fond d’écran. Il n’est même pas interdit de penser qu’un jour (lointain) elle ait trouvé que le givre et la glace ajoutaient quelque chose de décoratif et classieux, comme le sucre au bord des verres de cocktail et la neige en bombe pulvérisée sur les sapins de Noël. On en est désormais très très loin. Dépouillés de leur fond, mis à nus par l’œil toujours plus inquiet du photographe, radiographiés jusqu’au squelette, jusqu’à la structure par le givre et l’objectif, les végétaux de Céanothe montrent leurs promesses et leur renoncement, leur gloire annoncé et leur humilité d’hiver. On est avant la floraison, ou après. On est dans ce qui s’annonce et dans ce qui fane, au même moment dans l’éphémère et l’immanent, dans ce qui va se passer et qui pourtant ne disparaîtra pas.
Il y a pour moi, finalement, quelque chose d'un peu tragique dans les photos de Céanothe qui ne tient pas à leur seule mise en scène. C’est quelque chose qui touche juste, à cet endroit précis du vivant – que peut-être tout le vivant partage - où nous sommes transitoires et pourtant éternels. C’est en ce sens que pour moi, Céanothe photographie en même temps l’éphémère et l’éternité.
* Ben quoi ? On peut toujours rêver !